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I – KAREN BERGER, LE VISAGE DES COMICS VERTIGO

II – LA CREATION DE VERTIGO

III – MOTIFS D’UNE DISPARITION

La création de Vertigo

Fruit de la British Invasion, le label Vertigo construit son identité sur deux facteurs distincts : les talents britanniques et l’esprit littéraire et artistique très libre de Karen Berger. Voici l’histoire d’un label porté disparu, mais dont le catalogue se révèle être d’une richesse incroyable.

Origines du label

En 1992, alors que Karen Berger s’apprête à retourner travailler suite à son congé maternité, elle reçoit un appel de Dick Giordano. Il lui dit qu’après plusieurs discussions avec Jenette Kahn (présidente de DC Comics) et d’autres éditeurs, ils souhaiteraient voir Karen évoluer plus encore dans l’entreprise. Face aux succès des séries qu’elle lance et des talents qu’elle déniche, DC Comics voit en elle une éditrice forte d’un grand potentiel. Alors, Karen reçoit cette proposition de développer son propre imprint chez DC Comics. Bien entendu, elle accepte.

Sandman Vertigo

Cette proposition cache un plan et un intérêt pour DC Comics : la réinvention de personnages DC de seconde zone. Rapidement, des discussions sont lancées. Si le label est sur de bons rails, Karen Berger s’oppose à l’idée de continuité. Ces personnages n’intéressent plus personne. Elle ne comprend pas pourquoi il faudrait les enfermer dans un concept et un héritage qui les écrase.

C’est de cette manière que Karen a défendu la vision de Sandman par Neil Gaiman ou Shade the Changing Man de Peter Milligan. Le lien avec la continuité des comics Vertigo a toujours été ambigu. Et avec le recul actuel, cette conception n’a eu aucune conséquence fâcheuse sur les licences touchées. Bien au contraire.

Dans son contenu parfois très violent et sa direction éditoriale visant à libérer l’artiste, on pourrait croire que Vertigo aspirait à renverser le Comic Code Authority. En vérité, il n’en est rien. Bien au contraire, Vertigo a profité d’une brèche dans le système déjà utilisé par les comics underground. Le Comic Code Authority (CCA) était encore en vigueur en 1993 – et ne cessera d’exister qu’en 2009.

Shade Changing Man Vertigo

Vertigo souhaite échapper à la censure et utilise pour cela un système de distribution parallèle mis en place depuis 1960. Le CCA concernait le marché du kiosque et de la vente libre, mais n’avait aucune autorité auprès des boutiques spécialisées et le Direct Market (drugstores, …).

Là-dessus, Vertigo n’a rien inventé et a copié le système du marché de comics indépendant, souvent très violent et trash, de l’époque. Mais il est amusant de voir comme le comics underground a pu influencer une maison d’édition aussi propre et flamboyante que DC Comics.

La révolution Vertigo

En 1993, les comics Vertigo voient le jour. Ils se retrouvent au sein d’une même philosophie, celle de présenter un contenu mature, plus violent, plus sombre, dans son visuel mais également dans ses thèmes abordés. Le label se veut plus réfléchi et s’inspire directement du concept qu’avait Will Eisner du Graphic Novel. La révolution Vertigo vient de là et des conséquences colossales de Watchmen et The Dark Knight Returns.

un pacte avec dieu

Au sujet des influences ayant mené à la création de Vertigo, Karen Berger évoque également celle de Maus d’Art Spiegelman. Maus est un comic-book reconnu, récompensé par le prix Pulitzer, mais très éloigné des comics mainstream. On trouve en ces déclencheurs l’idée d’une libération artistique, de s’adresser à un public adulte, mais aussi l’envie d’un catalogue particulièrement hétérogène.

Souvent réduit à l’idée de comics fantastiques et horrifiques, il ne s’agit là que des genres auxquels Karen Berger est attachée. En réalité, le catalogue de Vertigo a rapidement su s’étendre et présenter des interprétations très originales de licences DC (Sandman, Kid Eternity). Mais Vertigo ne s’est pas cantonné à une vision unique. Le label a changé notre façon de voir les comics

Doom Patrol Grant Morrison

Après les réintroductions post-Crisis des personnages célèbres en 1986 (Superman par John Byrne, Wonder Woman par George Perez, Batman par Frank Miller et Jim Starlin), Karen Berger allait en quelque sorte poursuivre les modernisations des licences DC Comics avec Vertigo. Les artistes y ont la liberté de réinterpréter des personnages moins connus de l’univers DC. Vertigo consistait à rassembler sous un logo un ensemble de titres déjà existants et y a vu apparaître de grands titres de l’époque : Animal Man, Doom Patrol, Swamp Thing.

Derrière cette image, Vertigo présente une vision plurielle de l’univers DC, là où chaque maison d’édition avait sa représentation fictive de son petit univers – autant pour DC, Marvel, que pourValiant ou même Image à leurs débuts.

La clé de la réussite : la considération et la libération de l’artiste

Vertigo est rapidement devenu un label de liberté pour les artistes. Karen Berger ne dressait aucune frontière à la créativité. Le label intégrait des histoires de Science-Fiction, ne censurait aucun message de l’auteur, présentant des histoires parfois très provocantes (The Extremist, Junk Culture, Preacher). Et certains artistes s’en sont fait une spécialité comme Peter Milligan, Ted McKeever, Brian Azzarello ou Garth Ennis.

Preacher Steve Dillon

Au-delà des idées, Vertigo s’est également bien inspiré d’Image Comics et sa révolte des artistes. Ainsi, les droits de création d’un personnage revenaient aux créateurs. Si la série fonctionnait, les bénéfices étaient partagés entre l’éditeur et les créateurs, limitant les risques pour les deux parties.

En revanche, Vertigo empêchait l’artiste d’emmener sa création chez un autre éditeur. Le concurrent direct de l’époque étant Image Comics, le label devait se montrer quelque peu frileux à l’idée qu’une licence puisse s’échapper de leur catalogue.

Vertigo connaîtra ses hauts et ses bas. Avec cette ligne éditoriale très libre, il est évident que les artistes ne visent pas toujours juste. Et si on retient souvent les cultissimes Sandman et Fables, le catalogue Vertigo est d’une richesse inimaginable, dont on vous recommande certaines lectures ici. Ce label reste encore aujourd’hui un puit sans fond de découvertes à réaliser.

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