1938, Superman voit le jour dans le premier numéro de Action Comics. Son arrivée va chambouler le monde des comics qui, jusqu’alors, son concentraient sur des histoires policières, des aventures romanesques, et parfois, chevaleresques. National Comics, connu aujourd’hui sous le nom de DC Comics, va exploiter le filon et profiter de la popularité du personnage, ayant, sans le savoir, lancé un genre nouveau : celui du super-héros. Les super-héros vont se multiplier à une vitesse folle. De la pâle copie de Superman à une création originale, Fox Features Syndicate va réussir à tirer son épingle du jeu, l’année suivante, en 1939. Il créé Blue Beetle.
Sans le savoir, l’éditeur va participer à la création de personnages représentatifs de l’âge d’or. Si on connait aujourd’hui le personnage de l’univers DC, c’est pour la bonne raison que l’éditeur a racheté plusieurs personnages à son concurrent, Charlton Comics en 1981, qu’il avait lui-même racheté à l’éditeur d’origine dans les années 50. Déjà passé d’un alter ego à l’autre, Blue Beetle devient l’un des rares personnages dont le changement d’identité tient une part essentielle au caractère et à l’histoire du super-héros.
Relativement connu grâce au personnage Jaime Reyes, le personnage a connu une publication très limitée aux Etats-Unis, voir inexistante en France. Ce Guide de Lecture va tenter de dénicher les quelques histoires traduites en retraçant la chronologie et l’héritage de ces personnages.
I – LA PÉRIODE FOX / CHARLTON (1939-1965) |
II – APPROPRIATION PAR DC COMICS (1986-1998) |
III – PASSAGE DE FLAMBEAU (1994 – 2006) |
IV – BLUE BEETLE : TROISIÈME GÉNÉRATION (2006 À NOS JOURS) |
I – LA PÉRIODE FOX / CHARLTON (1939-1965)
1 – DAN GARRET, LE PREMIER BLUE BEETLE
Le premier Blue Beetle est Dan Garret. Copie de Superman, ses pouvoirs similaires s’expliquent par la prise de vitamines. Il passera du simple vengeur masqué vulnérable, à l’invincible super-héros costumé. Son écriture varie énormément, mais une seule lecture sera conservée par la suite, celle du Blue Beetle surhumain.
Il apparaît avec la création du titre super-héroïque de Fox Features Syndicate : Mystery Men Comics en 1939. Très rapidement, il acquiert son titre solo : The Blue Beetle. Le personnage atteint une popularité assez conséquente, et devient l’une des mascottes de l’éditeur.
En plus de son titre solo, il apparaît dans le titre Big 3, une copie du concept du World’s Finest de chez DC Comics qui y associait Superman, Batman et Robin. Ces comics ne suivent aucune ligne narrative continue. Il s’agit d’histoires plus ou moins brèves, situant le personnages dans des aventures très diverses. Lorsqu’il n’est pas Blue Beetle, Dan Garret est policier. Ce double statut livre une réflexion continue, elle, sur la perception de la justice. Outre certains épisodes fantasques, le héros se veut bien plus sombre qu’il ne peut le sembler.
En 1955, Blue Beetle arrive chez l’éditeur Charlton Comics qui reprend la publication de son titre, pour seulement quatre numéros. Outre le changement d’équipe artistique ayant bien évolué, et un code de censure à suivre, ces épisodes ne sont des réimpressions d’histoires datées, en accord avec le comité de censure. Malgré sa naïveté, le titre Mystery Men Comics reste, avec The Blue Beetle de 1939, la lecture la plus recommandable concernant ce personnage.
Aucune traduction française de ces comics n’est connue à ce jour. Destiné aujourd’hui à un public de niche, il est peut probable d’attendre un album traduit un jour. En VO, le problème est similaire. CreateSpace Independent Publishing Platform a réédité certains numéros d’origine en format relié. Cependant, ces rééditions sont très onéreuses, car tirées à très peu d’exemplaires.
Le format digital est à privilégier. Il permet un accès à la quasi-intégralité des titres du Golden/Silver Age, pour découvrir le personnage à travers les titres Mystery Men Comics, Big 3 ou ses séries solo The Blue Beetle.
2 – UN PERSONNAGE TOUJOURS VIVANT
Dan Garret est assurément le Blue Beetle le moins apprécié, car le moins populaire. Il est souvent perçu comme un personnage oublié, perdu, parce qu’affilié au Golden Age. Mais comme bien des personnages, le Golden Age vit toujours. On le retrouve régulièrement, et depuis toujours, dans les publications DC Comics, lorsque les scénaristes font référence au passé de Ted Kord (que nous allons découvrir dans le chapitre suivant), ou aux origines de l’univers DC Comics, dans de très bons comics comme JSA : The Golden Age (disponible en VF chez Urban Comics) ou DC Legacies (sorti en VF chez Panini Comics).
DC Legacies est un titre à recommander pour tout novice de l’univers DC et de sa timeline. Cette maxi-série retrace toute l’histoire de l’univers DC à partir des années 30, laissant apparaître Dan Garret comme figure du père disparu représentant cet héritage en constante évolution. Sa présence témoigne d’une existence encore actuelle dans la continuité DC Comics. Et bien au-delà !
Car le personnage est également présent chez d’autres éditeurs. On le retrouve, sous le même nom et le même costume. Le petit éditeur AC Comics a relancé Mystery Men Comics en 2012, où Dan Garret a remis le costume pour les numéros #87, #90, #98 et #106. Il apparaît également en 2017 dans Project Super-Powers : Herokillers chez Dynamite.
Cette mini-série a le mérite de présenter le Golden Age hors de l’idée reçue de comics datés et édulcorés. Présenté sur un ton plus sérieux et sombre, l’histoire est très inspirée des grandes lignes de Watchmen, dans une version plus conventionnelle, et l’univers du Golden Age. Une connexion d’autant plus intéressante que Dan Garret a été le personnage ayant inspiré le premier Night Owl, le père de Daniel Dreiberg.
Toujours en 2012, il est apparu dans l’excellentissime titre Young Animal, Bug! : The Adventures of Forager #2. Preuve, si c’en est une, que Dan Garret continue d’exister sous diverses formes dans les mémoires des artistes, y compris chez DC où les différents Blue Beetle intègrent un monde différent. On retrouve ce premier Blue Beetle dans le numéro spécial Multiversity : Pax Americana – présent dans l’édition Urban Comics Multiversity.
3 – LES PREMIÈRES HEURES DE TED KORD
Sur le point de mettre la clé sous la porte, Fox vend les droits du personnage de Blue Beetle à Charlton Comics. Fier de son acquisition, le titre Blue Beetle de 1955 voit le jour et comprend des réimpressions de vieux récits. Pour faire passer la pilule, Charlton tente d’apporter de l’inédit. Rien n’y fait, le public ne répond pas. Le titre est annulé. Dan Garret semble dépassé.
Blue Beetle (1965)
Nous sommes en 1965 et Charlton veut tirer profit de son acquisition. L’éditeur fait alors appel à Steve Ditko, co-créateur de Spider-man, pour moderniser le personnage. Le jeune artiste fait les beaux jours de Charlton Comics avec l’une de ses créations : Captain Atom. En pleine guerre froide, le rapport à l’atom et aux dangers des radiations attire. Captain Atom est l’un des titres phares de la maison d’édition depuis plusieurs années.
Charlton lui propose de créer un nouveau Blue Beetle. La mise à l’essai du nouveau Blue Beetle se fait dans Captain Atom, en tant que back-up pour assurer la découverte du personnage au public.
Très simpliste, ces aventures permettent d’esquisser un univers propre au personnage, avec la caractérisation d’un être devant agir pour des valeurs, malgré les difficultés de sa vie personnelle et super-héroïque. Un schéma qui nous paraît évident aujourd’hui, mais qui suit une écriture psychologique propre à Steve Ditko suite à Spider-man et qui en a fait son succès.
En quelque sorte, Blue Beetle est une réécriture de Spider-man dans les thématiques générales, avec une plus grande part laissée à la notion d’héritage et de justice. Par la suite, Blue Beetle obtient son propre titre pour quelques numéros avant de disparaître, faute de ventes générales des publications des comics Charlton.
On retrouve l’ensemble de ces récits en VO dans les albums Action Heroes aux éditions onéreuses DC Archives, ou en VF dans l’album Urban Comics Les Gardiens de Terre-4. Cependant, cet album, même s’il relève d’une initiative louable, comporte l’une des pires traductions de ces dernières années. Si on connait Urban pour une qualité générale de traduction, cet album en est malheureusement l’exception.
Blue Beetle reste à l’époque une licence détenue par l’éditeur Charlton, qu’elle « loue » à l’éditeur AC Comics avec d’autres personnages pour un nouveau comics régulier intitulé The Sentinels. Cette équipe compte quatre héros, et était une sorte de test pour décider du rachat ou non de Charlton.
Blue Beetle côtoyait Captain Atom et The Question (les anciens succès de l’éditeur Charlton) et Nightshade. Leurs aventures s’arrêtent brutalement, pour être remplacé par des copies. AC Comics tente de développer sa version de Blue Beetle : Scarlet Scarab. L’éditeur fera de même pour chaque personnage à l’origine du concept de Sentinels.