Personnages ô combien secondaires, Misty Knight et Colleen Doran forment un duo d’amies inséparable : Les Filles du Dragon. Elles sont directement issues de cette vibe kung-fu et arts martiaux des années 70 issues de la blackspoiltation. Et on ressent bien dans cette coupe afro et cette maîtrise du katana toute l’inspiration de l’époque. On les aurait cru condamnées à disparaître avec la bonne vieille veste jaune de Luke Cage. Et pourtant, en 2006, Justin Gray et Jimmy Palmiotti ont su moderniser ce duo bien secondaire à l’échelle de l’univers Marvel.
Sisters For Hire
Alors que nous vivons dans une période cherchant à mettre en avant les héroïnes et personnages féminins, il est étrange que Marvel n’ait pas plus mis en avant ses Daughters of Dragon. Duo bad-ass et sexy, c’est donc sans surprise qu’on retrouve les compères Justin Gray et Jimmy Palmiotti au scénario. Ensemble, ils vont écumer les tréfonds de l’univers Marvel. Gratter ce qu’il peut y avoir de plus kitsch, comme pour confronter ces héroïnes à une image du passé à laquelle elles étaient associées. Car l’histoire se résume à poursuivre des vilains afin de les amener devant le tribunal. Seulement, ces ennemis pourchassés ont volé une riche femme d’affaire et courent un grave danger.
Comprenez donc que l’histoire ne sera pas des plus profondes. Exit les métaphores et les leçons de vie. Et bonjour les poses lascives et les gros flingues. Certes, l’histoire est un prétexte à l’action. Et si l’action est un prétexte à faire poser des personnages féminins dans des tenues et postures suggestives. La lecture se trouve étrangement plaisante, même pour les plus allergiques à ce type de contenu. Et ce pour des raisons finalement évidentes.
Ces héroïnes sont en mesure d’apporter une lecture sexy, de jouer sur ces codes (à l’époque encore en vigueur) de la bad-girl. Jimmy Palmiotti Justin Gray excellent dans ce domaine du comics blockbuster et livrent un scénario extrêmement léger, certes, mais tout aussi dynamique. Les scènes d’action sont nombreuses, intenses et rythmées. Il est bien simple de réduire cet album à une mise en avant des atouts prépondérants des personnages féminins, car c’est également une action et une agilité majestueuse qui s’exécute dans un langage visuel extrêmement fluide.
Une qualité visuelle et narrative au détriment du reste
Avec une histoire qui repose sur l’action, c’est bien évidemment prendre le risque de confier la qualité principale du titre à son visuel et son story-telling. On retrouve ici Khari Evans à ses débuts. Des débuts qui se font ressentir par un dessin aux détails parfois confus. Des personnages qui peuvent sembler inachevés. Et pourtant, ce dessinateur témoigne d’une véritable maîtrise de la narration visuelle.
Malgré une action explosive, envoyant les personnages dans des positions improbables, ce dessinateur ne cède jamais à la facilité. Il dessine ses personnages dans des angles et des positions toujours plus tordues, sans jamais (trop) tomber dans l’excès. On ressent bien une inspiration issue de l’école Image des années 90, retranscrite ici sous une forme bien moins grossière. L’agilité des personnages est époustouflante, un effet rendant acceptable cette sexualisation du fait de leur souplesse. Les scénaristes ont eu cette chance de croiser le chemin d’un dessinateur en mesure de les comprendre et de les suivre dans leur sens de l’exagération constante.
Il faut dire que cette équipe se trouve impliquée dans divers processus créatifs, puisque Jimmy Palmiotti est également encreur pour ce jeune dessinateur. Une chance également pour lui, que de se retrouver avec l’un des encreurs les plus talentueux des 90/2000.
Bien entendu, comme presque chaque projet sur lequel officie Jimmy Palmiotti, on serait en mesure de se dire qu’il s’agit d’un potentiel gâché, d’une occasion manquée. Mais Palmiotti est un scénariste fidèle à lui-même qui écrit les histoires qui l’amusent. Un scénariste qui ne prend pas ses histoires au sérieux, qui refuse l’ennui et la réflexion. A tort ou à raison, il faut prendre ses créations pour ce qu’elles sont. Et en ce sens, ces Filles du Dragon comptent parmi ses meilleurs travaux. Histoire imparfaite, voir décevante selon vos attentes, mais un album vraiment plaisant si l’on se résout à la lecture d’un comics d’action intense et léger.