I – KAREN BERGER, LE VISAGE DES COMICS VERTIGO |
II – LA CREATION DE VERTIGO |
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III – MOTIFS D’UNE DISPARITION |
Motifs d’une disparition
(par Xelpi)
Le début des ennuis
Vertigo avait été créé en 1993 comme un label dans lequel les créateurs pouvaient donner libre cours à leur imagination. Ils n’avaient pas de limite quant à la violence et au sexe dans leurs histoires. Cependant, le succès du label ne venait pas de cette caractéristique-ci mais plutôt du fait qu’ils abritent des projets de créateurs DC.
Le label Vertigo a beaucoup souffert de l’essor de différents éditeurs indépendants comme Image Comics. Avec la disparition de titres phares comme Fables, DMZ ou Scalped, Vertigo est en perte de vitesse. Le label peine à se renouveler. Les ventes ne décollent plus.
En 2015, une tentative de relance a pu être observée lorsque l’annonce d’un programme automnal a vu le jour avec 12 titres. Ce programme mettait d’ailleurs en avant plusieurs grands auteurs tels que Tom King, Mike Doyle, Rob Williams, Peter Milligan, Darwyn Cooke et d’autres. A la clé, un succès très mitigé au niveau des ventes.
Mais le label ne se laisse pas abattre. En plus de marquer les 25 ans du label, 2018 marque le retour du Sandman Universe. Vertigo annonce un univers à part, chapeauté par nul autre que Neil Gaiman. De plus, la même année, DC a alors annoncé un grand changement pour Vertigo : Mark Doyle annonce dans un communiqué de presse : “Il est temps de reconstruire DC Vertigo”. Pour cela, il décide de revenir à un des principaux buts du label : mettre en avant “les nouvelles voix les plus excitantes de la bande dessinée”. 7 nouvelles séries suivront alors cette annonce.
Seulement, dans la même année un des comics de cette programmation sera annulé sur la décision de DC et Vertigo : Border Town. L’auteur, Eric M. Esquivel, sera accusé d’inconduite sexuelle par un ancien employé.
Un autre titre de cette programmation se verra annulé : Second Coming par Mark Russel. Ce fameux comics imagine la rencontre entre le messie et une pastiche de Superman. Un groupe conservateur nommé CitizenGo – luttant notamment contre le mariage du même sexe – a lancé une pétition pour l’annulation de ce comics pour le côté “blasphématoire” de son titre. Les deux auteurs verront cependant leur comics sortir aux éditions Ahoy Comics en 2019.
La fermeture du label
DC décide de fermer le label Vertigo en janvier 2020 dans le but d’intégrer un nouveau système qui a pour but de classer les comics par âges des lecteurs :
- DC Zoom : jeunes lecteurs (7 à 12 ans)
- DC Ink : label Young Adult (13 – 20 ans)
- DC : tout public
- DC Black Label : public adulte
Cependant, le véritable motif de cette fermeture est ailleurs. Warner Bros s’est rendue compte qu’elle ne pouvait pas adapter de comics Vertigo à cause des contrats qui démontrent clairement que les bandes dessinées appartiennent aux auteurs. À la suite de cela, le studio a exigé que les contrats soient modifiés. Mais cela n’a pas plu à certains auteurs comme Neil Gaiman, Grant Morrison, Warren Ellis ou encore Garth Ennis.
Le licenciement de Karen Berger et de son successeur viendra ensuite aggraver le cas du label, et amènera à la restructuration de Vertigo par Warner Bros menant à la disparition de Vertigo.
Disparition de Vertigo : Qu’avons-nous perdu ?
À la suite de la disparition du label, nous avons perdu les qualités qu’apportaient les récits de Vertigo. En plus des comics sombres et violents qui faisaient la qualité du label, les auteurs nous montraient les défauts des héros ce qui leur apportait une certaine humanité.
Nous avons aussi perdu une certaine liberté des auteurs* car ces derniers, grâce au label, pouvaient écrire des récits indépendants de la chronologie DC.
Cependant, cela a été compensé par l’apparition du Black Label (apparu avec la modification du catalogue DC ) qui a permis de nous rappeler certaines valeurs de Vertigo et de Karen Berger. Le Black Label a aussi permis aux auteurs de continuer à écrire des récits indépendants.
*Louis Mottin, « Déconstruction et réinvention du super-héros : l’évolution du comic-book depuis les années 1980 », sous la direction de Pascal Robert, Enssib, 2020
– Xelpi
Ce que nous perdons avant tout, c’est finalement ce progrès permis par la lutte des artistes des 90s : les droits revenus aux créateurs et non à une société. Vertigo faisait la part des choses. Mais dans une société qui vise toujours plus à tirer profit des créations des autres, où les adaptations se multiplient, la mort de Vertigo signe la fin d’une époque. L’esprit sombre et révolté laisse place à des créations contrôlées.
Car Vertigo, c’est avant tout Karen Berger, une éditrice, une directrice qui savait tirer le meilleur de ses artistes, là où le Black Label n’est qu’une maigre consolation et se repose beaucoup trop sur des licences phares, Batman le premier.
– Baptiste