Suite au décès de Chadwick Boseman, Black Panther redouble sa lecture symbolique d’un héros noir habillé d’une culture et d’un décor africains. Cette adaptation de Ryan Coogler a réussi à adapter cet univers fantasque, mais également sa lecture, avec son temps. Et tout le talent de ce film est d’être parvenu à actualiser ce message de Black Panther dans le domaine du cinéma et de la culture occidentale actuelle.
Mais ce film n’a pas transformé ce héros noir en symbole. Bien au contraire. C’est bien le personnage qui a su inculquer au film sa lecture engagée et son univers singulier, hérité d’une culture africaine que Marvel a tenté d’incorporer à son univers à l’époque dans Fantastic Four #52.
Et pourtant, pour faire de Black Panther le symbole que tout le monde connait aujourd’hui, le personnage a du suivre un parcours bien particulier à travers ses comics.
I – Black Panther : Création et divagations |
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II – Du héros au symbole |
III – Quand la Panthère a trouvé sa lutte |
Black Panther : Création et divagations
Fantastic Four et la découverte de la nouvelle Afrique
Le Wakanda, sa technologie et cet univers africain moderne vous fait rêver, et pourtant, il n’est pas si moderne. Il sort de la tête de Jack Kirby en 1966. Cette année là, le créateur de Marvel Comics, Martin Goodman, commande à Stan Lee et Jack Kirby un nouveau personnage. Peu importe le concept, Goodman voulait de la nouveauté, mettre à l’essai un nouveau héros dans Fantastic Four. L’idée était de donner à ce nouveau personnage son titre solo pour proposer une nouvelle licence.
Jack Kirby prend tout de suite l’idée du continent africain auquel il associe la science-fiction qu’il adore. Il propose un héros assez classique qu’il nomme Coal Tiger. Après la lecture d’un article du Lowndes County Freedom Organisation (mouvement connu par la suite sous le nom des Black Panthers), Stan Lee remarque que le logo est celui d’un fauve. Craignant une association du personnage au mouvement, il se rapproche de son bras droit, Roy Thomas pour trouver une solution.
Ensemble, ils renomment le personnage Black Panther. Suite au changement de nom, Jack Kirby remanie le costume, plus proche de l’animal et moins de l’idée classique du super-héros encapé. T’Challa porte alors le costume qu’on lui connait, mais révélant sa mâchoire inférieure, et donc sa couleur de peau. Lorsque Stan et Jack présentent leur création à Martin Goodman, à refuse.
S’il n’est pas contre le fait d’intégrer le premier super-héros noir à ses parutions, Goodman ne veut pas se mettre à dos une part de son public en le présentant en couverture. Mais comment présenter un nouveau personnage sans le montrer ? Goodman demande à Jack Kirby de revoir le costume et de cacher l’intégralité de son visage pour ne pas heurter les parents.
A travers Fantastic Four #52, T’Challa n’est alors qu’un simple guerrier cherchant une épreuve à surmonter : celle de terrasser les 4 Fantastiques. Un rituel qui sonne comme une épreuve de force, témoignant du résultat de son entrainement. Sous cette première approche bestiale, les auteurs cachent un premier contact courtois et les codes du duel mêlés à ceux de la chasse. Mais plus important encore, Black Panther était l’égal de l’une des équipes emblématiques de chez Marvel.
La création de cette escapade n’a pour autre but que de présenter une forme d’exotisme alternatif alors que la famille super-héroïque se trouvait dans une situation tendue avec les Inhumains. La présentation de l’univers est passionnante et les 4 Fantastiques prennent les rôles de visiteurs dans ce monde secret dans lequel nous sommes invités à entrer.
Avengers : l’étrange intégration d’un héros noir
Après sa présentation brève dans Fantastic Four, Black Panther va débarquer aux USA et intégrer les Avengers sous la plume du bras droit de Stan Lee, Roy Thomas.
Durant son run sur les Avengers, Roy Thomas avait fait un peu bifurqué la trajectoire du personnage. Loin de ce qui définit aujourd’hui le personnage, Roy Thomas ne lui collera que divers stéréotypes. T’Challa se fait appeler Luke Charles et habite Harlem. Il trouve l’amour avec une chanteuse de jazz, Monica Lynne. Il deviendra même instituteur durant une courte période.
Cette réécriture de Black Panther transforme le roi du Wakanda en bon citoyen américain. La volonté de Roy Thomas devait être comme pour tout personnage Marvel de le transformer en point d’indentification pour tout américain. Mais elle ne se révèle être qu’une aseptisation du personnage s’accommodant au mode de vie américain.
Pour autant, Roy ne renie pas l’origine africaine de Black Panther, ni l’existence du Wakanda. Dans Avengers #62, en 1969, le scénariste profite d’une excursion des Avengers après une mission pour s’arrêter au Wakanda. T’Challa découvre la soif de pouvoir de celui à qui il a laissé le trône en son absence.
Appelé Man-Ape, cet antagoniste sera réduit au désir de retrouver un système se basant sur la force brute et la valeur du guerrier. Le Wakanda n’était, dans ce numéro, qu’une vision très réductrice de l’Afrique, tant dans son écriture que dans sa représentation de la culture africaine, se limitant à ce qu’elle a de plus stéréotypée.