I – Black Panther : Création et divagations |
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II – Du héros au symbole |
III – Quand la Panthère a trouvé sa lutte |
Du héros au symbole
Black Panther : icône à son insu ?
Alors que le mouvement du Black Power grandissait, la légende raconte que ce groupe manifestant aurait emprunté le nom du personnage. Une autre théorie dit que ce nom serait en réalité une référence à un régiment blindé exclusivement composé d’afro-américains.
Toujours est-il que Marvel Comics possédait un super-héros portant le nom d’un groupe associé à une pensée sujet à débats. Si bien, qu’en 1971, alors que le mouvement des Black Panthers battait son plein, Black Panther fut renommé Black Leopard dans Fantastic Four #119.
Roy Thomas y écrivait les aventures des Fantastic Four et compte y inclure le personnage de T’Challa. Le roi est emprisonné dans un château, mais Johnny et Ben coopèrent pour le sauver.
Quand Stan Lee apprend que Black Panther allait apparaitre dans ce numéro, il demande à Roy Thomas de modifier le nom du héros pour Black Leopard. Mais dès son apparition suivante dans Daredevil #98, le franc parler de Gerry Conway avait rétabli l’ordre des choses, ne cachant nullement le nom véritable de la panthère noire.
L’éditeur tentait de rendre le personnage plus discret afin d’éviter de le mentionner, et ainsi éviter de prendre parti dans l’action des Black Panthers dont les méthodes faisaient débats.
Et tout laisse à penser que les méthodes militaristes étaient sans doute le point sur lequel Marvel refusait d’être associé. Car l’éditeur n’a en aucun cas interdit la publication des aventures de Black Panther dans Jungle Action #6-24 de 1973 à 1976. Ces mêmes numéros qui ont forgé le mythe qu’est devenu Black Panther.
Jungle Action : les fondations du héros
Et justement, la série Jungle Action écrite par Don McGregor va traiter du retour au pays de T’Challa, décidé à reprendre en main le Wakanda. Black Panther revient accompagné de Monica, sa compagne. Mais celle-ci sera rapidement laissée en arrière-plan. Ce qui intéresse le scénariste, c’est un héros aux prises avec les forces de la nature dans ce qu’elle a de plus dangereux et de démesuré, sans jamais délaisser le potentiel littéraire de ces aventures.
Avec Jungle Action, Black Panther va se lancer dans une odyssée vengeresse. L’arc Panther’s Rage est connu pour sa bestialité mais aussi son contraste avec tout ce que pouvait proposer les comics des années 70. Jungle Action était un comics violent. Costumes déchirés, luttes sanglantes et contacts avec la mort étaient choses courantes. Mais ce contraste se remarque aussi par un comics mettant exclusivement en scène des personnages noirs.
S’il était possible de parler d’exotisme avec Black Panther auparavant, le personnage trouve ses repères avec Jungle Action. Comme le démontre ce contraste, Jungle Action était un lieu de création libre. Si Stan Lee et Jack Kirby ont présenté l’essence du Wakanda, son bon développement et les relations entre T’Challa et son pays se forgent dans Jungle Action.
Ériger le mythe
Panther’s Rage présente le retour de T’Challa. Il redécouvre son pays et doit s’accommoder à nouveau du rôle de roi, mais surtout gagner à nouveau la confiance de son peuple. De retour des Etats-Unis, il apparait comme un étranger à leurs yeux. Lui même porte un regard occidental sur son propre pays et peine à trouver l’équilibre entre traditions et modernité.
Comme Hercules et ses douze travaux, Black Panther va tenter de rétablir la paix au Wakanda, alors que Killmonger ravage les villages autour de la cité. Devant ces massacres, Black Panther se dresse seul face à Killmonger et ses lieutenants qu’il devra affronter les uns après les autres, risquant sa vie à chaque affrontement.
Cette quête rappelle les épopées épiques, celles de l’homme/guerrier parti témoigner sa valeur en accomplissant l’impossible. Toujours aux portes de la mort, Black Panther ne recule jamais et fait preuve d’une persévérance imperturbable. Jamais ce roi ne remet en question son but. Pour lui, cette quête devient un absolu à mener pour prouver sa capacité à gouverner et démontrer sa détermination aux yeux de son peuple.
De son côté, Killmonger est un antagoniste réfléchi. Un stratège à la force brute ayant un idéal complètement opposé à celui du héros. Répondant à bien des stéréotypes à travers ses motivations, son développement créé un étrange attachement entre le lecteur et ses lieutenants.
Killmonger n’est pas, comme laisse l’entendre le film, qu’un homme assoiffé de pouvoir, corrompu par la jalousie. Il est le défenseur des êtres imparfaits et de ceux considérés comme des monstres. Il est animé par la rancune d’un monde injuste. Si le scénariste Don McGregor n’insiste pas nettement sur cet aspect, il le fait transparaître à travers le recrutement de lieutenants comme Venomm.
Un titre progressiste
Pour amplifier plus encore la dimension progressiste du comic-book, Don McGregor y écrit des antagonistes gays, Taku et Venomm, avec lequel le scénariste développe une profonde empathie quant à leur condition. Pour tout ces éléments qui font la force actuelle de Black Panther, Don McGregor a subit une forte pression de la part de certains lecteurs et de l’éditeur pour un engagement marqué, plus ou moins subtile.
A ce propos, Don McGregor expliquait dans une interview :
I was already under attack on that series for so many other elements, if I had pushed there, you would have seen less Panther stories written by me at that time.
Interview with Don McGregor by Bob Gough, Contributing Writer – milehighcomics.com
La goutte de trop se fera avec l’arc suivant : Black Panther VS the Klan. A partir de Jungle Action #19, Black Panther retourne aux Etats-Unis. Mais contrairement à son voyage précédent, son intégration sera compromise par un climat racial plus que tendu. Puisque le héros devra s’opposer au Ku Klux Klan pour défendre sa copine, Monica Lynne.
Don McGregor transforme concrètement Black Panther en icone du Black Power. Don McGregor renverse les icônes religieuses utilisées par le groupuscule et offre à son titre une implication sociale et politique forte. Malheureusement, cette saga sera interrompue. Sans doute par la gêne occasionnée par le titre auprès de la maison d’édition, mais c’est également en raison de l’arrivée du titre éponyme de Black Panther réalisé par Jack Kirby attendu depuis bien longtemps.
A propos des aventures de Black Panther dans Jungle Action, le créateur de Static Shock et fondateur de Milestone, Dwayn McDuffie disait, selon ComicsAlliance :
This overlooked and underrated classic is arguably the most tightly written multi-part superhero epic ever. … It’s damn-near flawless, every issue, every scene, a functional, necessary part of the whole …You’ll find seamlessly integrated words and pictures; clearly introduced characters and situations; a concise (sometimes even transparent) recap; beautifully developed character relationships; at least one cool new villain; a stunning action set piece to test our hero’s skills and resolve; and a story that is always moving forward towards a definite and satisfying conclusion. That’s what we should all be delivering, every single month. Don [McGregor] and company did it in only 17-story pages per issue.
How Black Panther Pioneered Modern Comics With ‘Panther’s Rage’ – comicsalliance.com