I – Origines d’un comics engagé |
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II – Green Arrow : La violence du chasseur |
III – Pour une image moderne de la femme |
Green Arrow : La violence du chasseur
Reflet d’une violence commune
Héros urbain à l’opinion politique très tranché, Green Arrow n’est pas un personnage qui doit tourner le dos à son implication sociale. En amenant Green Arrow à Seattle, Mike Grell fait sortir le héros de sa vision idéalisée du monde où aucune victime n’est à déplorer et où on arrête les criminels avec un gant de boxe. Seattle est une ville moderne composée de nombreux destins annexes. La série se penche sur la vie de bien des habitants, témoins ou même victimes d’injustices.
A de très nombreuses reprises, Mike Grell va apporter une épaisseur dans la vie de chacun. Sa plume n’hésite pas à approfondir certains caractères, ce qui participe à insuffler cette impression de vie à la série. Si les criminels sont généralement réduits à un profil type, ce sont les victimes et leurs entourages qui exposent leurs vies et leur situation. Ce sont ces figurants qui permettent d’apporter de la vie au sein de cette ville, de concrétiser cet engagement du héros au contact du peuple.
Tout ceci est porté par cette quête de réalisme / vraisemblance. Un soin particulier apporté par le scénariste qui va mener le héros à modifier son costume. Exit ce costume tiré des aventures flamboyantes de Robin des Bois, Green Arrow est plus sombre et surtout plus moderne. Le héros enfile une capuche et aiguise ses flèches.
Ainsi, Mike Grell va révolutionner le personnage. Ce Robin des Bois moderne va quitter sa fantaisie et son aura super-héroïque pour embrasser la noirceur d’une époque. Résolument plus réaliste, Green Arrow va déménager pour Seattle, ville où vivait Mike Grell à la même époque. En cela, de nombreuses histoires vont directement s’inspirer des violences observées par l’auteur.
Grell se contentera de relater ses observations. Ce procédé de création aura pour effet de donner à cette ville un certain charme doublé d’une grande inquiétude. A ne refléter que ce qu’elle a de plus dangereux et de plus sordide, Mike Grell fait de Seattle un carrefour de violences. Celle des cartels, celle des réseaux de prostitution, celle des bavures policières, celle des tueurs en série, des pédophiles et bien d’autres.
Mike Grell s’inspire directement de « faits divers » pour dénoncer cette horreur. En exemple, l’arc The Horseman (#17-18) reprend l’histoire d’un gang de motards canadiens ayant vendu une femme à un autre gang qui l’a par la suite vendue en Floride, faisant d’elle une victime d’un trafic sexuel américain. Alors qu’elle avait tenté de s’enfuir, ses ravisseurs l’ont rattrapé et l’ont crucifiée pour en faire un exemple.
La justice aveugle
La transition du statut de héros à anti-héros de Green Arrow s’explique par une violence omniprésente venue nuancer sa vision de la justice. Débarqué dans un univers résolument sombre, habité par les vices de l’homme, Oliver y côtoie des prostituées et devra réaliser des choix moraux complexes face à un cas de pédophilie ou de braconnage. Des horreurs tristement ordinaires, humaines, où la mort se dresse comme une solution finalement envisagée par le héros.
Face à une police tantôt corrompue, tantôt dépassée par une criminalité grandissante, la justice sociale pourrait être une solution. Passer de proie à chasseur dans cette jungle urbaine, voici le raisonnement posé par Mike Grell. Car c’est bien l’idée d’une série de violences amenant à voir la ville comme ni plus ni moins qu’une zone sauvage où sévit une chasse constante entre forces de l’ordre et hors-la-loi.
Faire la loi soi-même, c’est céder à son désir de vengeance. Plutôt que de tenir ce même discours déjà vu, Green Arrow nuance son propos et le développe. Dans un monde où la violence se fait force ultime, pourquoi les victimes ne devraient-elles pas céder à leur désir de vengeance et rendre justice eux même ?
Violence et traumatisme : séquelles d’une vie super-héroïque
Mais l’artiste-scénariste ne se limite pas à un univers oppressant. Il focalise son récit sur son personnage et son développement psychologique. Pendant 80 numéros, Mike Grell va nous raconter l’évolution de Green Arrow et sa façon de gérer un trauma, après avoir vu sa belle meurtrie et après avoir tué volontairement un homme. Oliver est rongé par les remords, et les erreurs ne feront que s’accumuler.
Oliver va perdre ses repères, passer de héros à anti-héros, de chasseur à proie, dans sa quête de stabilité. Chaque acte a ses conséquences et mène Oliver à remettre en question sa morale et ses choix. Tant d’éléments qui n’auront pour autre but que de refléter une personnalité remplie de paradoxes, composée de difficultés et de regrets. Chacun devra être surmonté et participera à définir le réel fardeau du héros, mais surtout à reconstruire l’archer d’antan.
Cette reconstruction va être le véritable fil rouge de toutes ces aventures à première vue anecdotiques. Il ne s’agit pas d’une menace imposante et puissante qu’Oliver va devoir battre par la force brute. Il doit surmonter un trauma, surmonter ce que même sa ruse ne peut lui éviter. Mike Grell a transformé un super-héros de seconde zone en une tranche de vie touchante brillant de toutes ses vérités.
Chasseur en tout temps en tout lieu
Un archer dans la ville
L’imagerie de la chasse n’est pas qu’une suggestion ou une interprétation liée au camouflage et aux scènes d’action silencieuses. On retrouve effectivement de cela avec Shadô et une technicité singulière dans sa pratique du tir à l’arc, qui plus est à travers sa profession d’assassin.
Dès son apparition, une quête d’exotisme transpire des pages de la série. Mike Grell apporte à Seattle une valeur ajoutée, une comparaison dans l’art de manier son arme. Green Arrow fait face à une personne qui le dépasse. Qui plus est, une femme. L’image du preux chevalier volant au secours de sa princesse se retrouve toute retournée. Shadô n’est cependant pas présentée dans un rapport de force avec Green Arrow. La comparaison n’a pas lieu d’être. Mais Oliver se retrouve envouté par le savoir-faire de Shadô. Elle profite d’une technique bien différente d’Oliver qui les rend tous deux complémentaires.
Archer d’ici et d’ailleurs
Mais cet exotisme ne se limite pas à l’apport d’un personnage en mission à Seattle. Il se fait métaphore de la chasse. La victime se trouve être la proie. Mais la violence qu’elle subit n’a rien de gratuit. Tout est question d’expression, de pulsion, d’une nature incontrôlable. La chasse est motivée par notre nature animale. Et ce, peu importe le décor.
Car le décor va bien changer au fil des épisodes. Après son trauma et l’acceptation du meurtre commis, Oliver Queen finit par replonger et va devoir réaliser un voyage initiatique. En quête de réponse, il va voyager à travers divers pays qui lui présenteront différentes formes de chasse moderne. La chasse visant à faire fuir ou disparaitre, la chasse comme motivation économique au détriment de la biodiversité.
On l’avait déjà remarqué avec Superman, la lutte pour la cause animale et écologique ne date pas d’aujourd’hui. Seulement, dans son développement, Mike Grell ne pointe pas du doigt la chasse. Il pointe du doigt leurs motivations et présente Green Arrow comme un chasseur en quête de sens. Qu’est-ce que Green Arrow sinon un chasseur urbain ? Il représente le chasseur motivé par un but noble, par les valeurs chevaleresques. Et par son besoin de renouer avec ses valeurs, Oliver va se perdre dans l’idée de s’être trahi en ôtant la vie.