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Le comics moderne serait muselé. De cette image des Big Two tenant fermement la laisse, lorsqu’il s’agit de parler de récits marginaux, on invoque les éditeurs indépendants, les discrets, les cachés. Mais en 2003, Marvel quittait sa zone de confort avec Trouble. Portée par Mark Millar et Terry Dodson, cette origin-story des amourettes de Tante May et de sa sœur Mary renverse toutes les attentes et provoque un petit scandale. Tant et si bien qu’aujourd’hui encore, on a du mal à le croire.

Trouble : Erreurs de jeunesse

May et Mary s’apprêtent à prendre le bus pour intégrer une école d’hôtellerie. Les deux jeunes filles émues de quitter le foyer familial se révèlent bien plus fourbes à l’intérieur du bus. Assises l’une à côté de l’autre, elles sortent une bouteille de bourbon volée à leur père qu’elles savoureront durant le voyage. Au même moment, deux frères, Rich et Ben saluent leur père avant de prendre la route vers cette même école, dans leur superbe Mustang rouge.

Rapidement, des échanges vont naître entre les deux duos. Rich et Ben sont tous deux attirés chacun par l’une des deux sœurs. Et alors que Ben tente d’approcher May, cette dernière va se révéler bien plus sulfureuse et va faire sortir Ben de son caractère de jeune timide. De son côté, Rich n’arrive pas à ses fins avec Mary. Frustré, il va jeter son dévolu sur May, entrainant ainsi une spirale malsaine entre les deux frères et sœurs.

Trouble Mark Millar

May-connaissable

Faute de nombreuses incohérences, ce comics ne parvient pas à se faire accepter auprès des amateurs des aventures de Spider-man. Il est difficile de comprendre où l’histoire veut en venir. Le premier numéro laisse présager une histoire d’amour classique, lorgnant beaucoup du côté de la littérature érotique bas de gamme. On repère très rapidement les clichés du genre avec Rich, le beau brun mystérieux au volant de sa grosse Mustang et Mary, le jeune blonde parfaite en tout point mais réservée.

Ce cruel manque de délicatesse s’accompagne d’une niaiserie encore une fois incohérente. May se veut être le personnage principal. Mark Millar semble vouloir lui apporter un certain caractère pour la distinguer de sa sœur, au delà de sa couleur de cheveux. Et pour ça, rien de mieux que de suivre les notes du journal intime rédigées par May dans son trajet en bus. Un élément qu’on ne croisera que lors de l’introduction du premier numéro. Un élément censé nous présenter le personnage, ses motivations, et révéler un début de personnalité.

Trouble May Mary

Ce premier contact est perturbant sur deux plans. Tout d’abord, on ne reconnait pas May. Évidemment, on se base sur un personnage d’environ soixante-dix ans que nous sommes censés redécouvrir, pour la première fois, plus jeune ici. Or, cette présentation un peu niaise (mais en même temps un peu provocatrice puisqu’elle a volé une bouteille à son père) ne colle pas non plus à la suite des événements. May n’est pas fleure bleue pour un sou. Et ce problème de concordance va s’aggraver. Car après lecture on en vient à se dire que le personnage de Mary correspond bien plus à Tante May que May elle-même.

La subtilité d’un camion Ben

Trouble est très certainement la première œuvre de Mark Millar qui dénote avec le reste de sa production de l’époque. Mark Millar avait pu travailler sur Superman Adventures, où il livrait de très bonnes histoires. Il avait également signé un excellent run sur Swamp Thing aux côtés de Phil Hester. Tout ça sans parler de The Authority. Mark Millar était capable de livrer des récits profonds.

Trouble Marvel Comics

Il s’en écarte grandement ici pour se tourner vers un genre qu’il ne maîtrise pas vraiment. Même s’il a pu écrire d’excellents dialogues sur Swamp Thing, son choix de s’adresser à un jeune public avec Trouble n’a fait que créer un handicap dans sa démarche. N’espérez pas voyager dans le temps et découvrir une histoire d’amour sur fond d’Amérique d’après-guerre, Trouble emprunte bien plus aux teen movies et autres Spring Break. Des belles références modernes (pour l’époque) qui lui valent toute sa légèreté et situe la jeunesse de Tante May au début des années 2000.

Les personnages n’ont pas de réel caractère et ne font que répondre aux deux seuls profils qui parviennent à se distinguer : le timide fidèle et le dépravé. L’histoire ne fait donc que tourner autour de la sexualité fraichement découverte de ces jeunes, obsédés par l’amour et ce qu’ils pensent en maîtriser. Et si l’obsession de ce sujet nuit grandement à l’écriture des personnages, il n’en reste pas moins l’unique sujet apportant un peu d’intérêt au récit.

Dirty Dancing chez Marvel

Trouble est une pâle copie de Dirty Dancing, la danse et la réflexion sociale en moins. Autrement dit, un unique rapport à la sexualité et à l’avortement. Et sur ce point, Trouble fait vraiment tout pour ne pas être apprécié. Tantôt trop sulfureuse, l’histoire fait en sorte que la puritaine Mary rompe tous ses principes pour sauver May. Tantôt trop puritaine, May, face à ses erreurs et les conséquences de ses actes, finit par se ranger.

On ressort de cette lecture avec le sentiment d’incompréhension de ce que souhaite transmettre Mark Millar. La conclusion prend cette forme de morale incomplète et confuse sur bien des points. Était-ce une critique d’une Amérique puritaine ne faisant que masquer des ébats interdits ? Ou était-ce au contraire une dénonciation d’une société ayant besoin de renouer avec des valeurs personnelles ?

Trouble May Parker

S’ajoute à cela un Terry Dodson en forme pour présenter quelques références à J. Scott Campbell. En dehors des personnages principaux généralement détaillés, il faudra fermer les yeux sur le second plan généralement limité à des silhouettes. Cette façon de concevoir a tout de même le mérite de concentrer l’attention sur le microcosme entre les quatre personnages… quitte à en oublier ce qui les a amené à se rencontrer.

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