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Pour tout à chacun, la saga Aliens possède son vilain petit canard, ou ses vilains petits canards pour les plus sévères. Les fans ayant pu s’attaquer aux comics de la licence ont pu s’émerveiller comme s’en mordre les doigts. Sur ce point, les comics sont comme les jeux vidéos concernant l’exploitation d’une licence : capable du meilleur, mais bien souvent du pire. Seulement, l’éditeur américain Dark Horse, fier détenteur des droits, décide de relancer Aliens avec de petits projets faisant la part belle aux artistes. L’éditeur français Wetta en profite à son tour pour proposer ces nouveautés, mais également pour revoir sa collection et se mettre à jour face à la rude concurrence des comics librairies, à commencer par Aliens : Perdition.

LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES

Aliens : Perdition est bien différent des autres comics de la licence. Il est l’un des rares à posséder un auteur/dessinateur commun, puisqu’il s’agit d’un projet bien personnel de James Stokoe. Preuve d’amour d’un fan reconnu dans le milieu du comics dont Grunt, un art-book regroupant les comics refusés, se retrouvés nominés aux Eisner Awards.

Très proche du comics indépendant, on ressent à la lecture une construction singulière, pour ne pas dire « artisanale ». Quelque chose d’humain, malgré le thème et les créatures présentes, émane du scénario et des personnages. Il nous donne à voir ceux-ci comme des individus simples, aux limites du pathétique. Le comics est très éloigné des canons scénaristiques du comics. Avec son allure d’histoire déroulée sur le fil après un brainstorming, cette petite centaine de pages parvient à nous mener par le bout du nez et nous perdre sans que nous nous en rendions compte sur ce chemin du scénario typique d’un film Aliens, mais étonnement haletant.

Véritable labyrinthe temporel, la perdition agit avec prudence, se fait fourbe. James Stokoe semble avoir analysé la perte d’attention du lecteur pour viser juste sur cette prise de conscience, ce réveil face à un sentiment d’incompréhension. Aucun indice ne nous permet de savoir où et quand s’exécute l’action. La perdition prend tout son sens avec la perte de repères, faute d’une survie et d’un esprit tourmenté par la présence de cette créature.

La lecture nous met dans cet état de stase pour nous réveiller de plein fouet. La tension nous saisit pour repartir sur une action, une fuite, une surprise. Le scénario n’est pourtant pas découpé en séquences variées aléatoirement. Il est organisé. Et il fonctionne à merveille.

CONSTRUCTION FIDÈLE, EMPRUNTE ARTISTIQUE UNIQUE

Véritable expérience de lecture, Aliens : Perdition pouvait, comme bien d’autres avant lui, se perdre dans son exploitation de licence. Tout en rejetant les canons du genre de l’adaptation, James Stokoe ne fait qu’introduire son équipe de sauvetage à travers le prétexte phare de la licence Aliens.

Un vaisseau ne répond plus, une équipe part en quête de réponses. James Stokoe parvient à intégrer un florilège d’éléments propres à l’univers sans jamais sombrer dans les méandres de la gratuité dérangeante. Ces éléments se présentent de manière progressive, en plus d’agir sur le scénario. Le contexte ne cesse d’évoluer, sans pour autant que le lecteur en soit averti. James Stokoe considère son lecteur comme observateur. Et c’est voir la vie (ou la mort ?) en train d’évoluer qui rend cette histoire terrifiante, se résumant au concept de la survie, mais la présentant à un état pur rare.

L’observation est d’autant plus importante qu’elle constitue un facteur majeur de l’histoire. Les dialogues sont rares, et futiles – comme l’a présenté Ridley Scott. Une décision certainement en rapport avec les films, ou simple décision ayant pour but de se démarquer, de laisser parler l’image à la manière des films.

Le résultat est bluffant. Derrière un design assez commun, relatif à l’esthétique de comics indépendant, James Stokoe semble bien plus soigner son plan, son décor et ses créatures. Ce soin va être le fer de lance du titre. L’artiste nous rappelle ô combien l’esthétique ne réside pas uniquement sur le style de dessin, mais bien sur le choix des plans, la précision apportée au décor et ses composants. Si les humains ont une allure assez simple, les Aliens sont dessinés avec minutie, afin d’entretenir le mythe et surtout d’attirer l’œil malgré leurs rares apparitions.

Brillant d’intelligence, James Stokoe va faire vivre un véritable enfer, jouant des références discrètes, à son personnage principal. Passionnant pour son esthétique, les fans de la licence trouveront là de quoi satisfaire certains rêves, à travers un respect religieux envers la création originale de Ridley Scott. Scénario typique des films, c’est dans la construction de son récit comme expérience de lecture et son orientation vers l’horreur et l’action qui procure à l’album une nervosité parfaitement dosée.

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