Avec le passage à l’année 2020, l’éditeur Marvel a déterré son fameux Iron Man 2020, cet Iron Man démoniaque du futur en la personne d’Arno Stark. Seulement, en fouillant un peu dans les histoires secondaires de Superman, on y trouve quelques concepts farfelus, impensables aujourd’hui, comme Superman 2020.
Superman 2020 : Continuité réaliste et lecture politique
Cette aventure en deux parties est publiée sous forme de back-ups dans Superman #354-355, intitulée « A Political World« . Si Superman 2020 intrigue, c’est avant tout pour son mode d’exécution qu’on associerait aujourd’hui à un elseworld. Le scénariste Cary Bates présente non pas un Superman, mais trois Supermen. Trois générations dont l’original, Superman-I. Superman 2020 est donc Superman-III, le plus jeune et celui en phase de devenir le nouveau défenseur de la Terre.
Cette première aventure présente une Metropolis en orbite. Une citée volante, scintillante et idéaliste où se retrouvent son père et son grand-père afin de lui remettre leur symbole, titre officiel de super-héros. Pendant ce temps, Kalel Kent se trouve face à son ordinateur à présenter sa démission à son employeur avant de simuler un accident et mettre fin à son existence civile.
Alors qu’il s’apprête à rejoindre son père et son grand-père, il est surveillé par un groupuscule extrémiste refusant la race alien, effrayé qu’une troisième génération perpétue cette tradition de défendre une planète qui n’est pas la leur. Se faisant appeler les Puristes, ils décident de tendre un piège, évidemment déjoué et par Superman-III et par ses prédécesseurs.
Fascisme et terrorisme futuriste
Ce groupuscule terroriste cherchait à détruire New Metropolis et à discréditer les kryptoniens aux yeux des humains. Ce plan, derrière sa simplicité évidente, révèle la peur chez ces xénophobes et possède une finalité crédible : une influence des masses. A craindre et à rejeter l’étranger qui les protège, ces terroristes en viennent à commettre des crimes contre leur propre race.
Reflet direct du néo-nazisme, Cary Bates et Curt Swan ne le cachent pas et s’inspirent des symboles réels. Le salut est remplacé par un autre très similaire à ce geste prohibé, auquel n’est ajouté qu’une forme créée avec les doigts rappelant un « Ok« , et le symbole du drapeau ne perd que l’une de ses quatre branches. Tout est fait pour une association très explicite.
Le recul actuel envers ce petit récit est tout de même inquiétant. Cette réflexion d’un futur imaginaire vise juste, non pas dans sa technologique fantasque, mais déborde de vérité à travers cette pensée déjà profondément remise en question à l’époque. Le fanatisme et la violence sont d’autant plus actuels en 2020 avec le mouvement #BlackLivesMatter.
Victime de xénophobie, Superman, modèle américain du futur, révèle bien qu’il ne suffit pas d’être blanc pour ne pas connaître ce sentiment de rejet. Si aujourd’hui #BlackLivesMatter dénonce bel et bien un comportement social et une profonde injustice, Superman démontre que cette violence et cette peur de l’autre dépasse la couleur de peau. Superman a beau avoir l’apparence d’un Hercule moderne, il n’en est pas moins un alien souffrant de ce racisme biologique. Une origine créatrice de cette haine que va lui vouer Lex Luthor, entre autres.
Ce parallèle entre Superman et ce mouvement marquant de l’année 2020 est une bien triste coïncidence, révélant que la violence portée envers une personne différente de nous et nos modèles ne parvient pas à disparaitre. Chose d’autant plus intéressante ici que Superman possédait cette valeur de symbole américain fort, malheureusement quelque peu perdu aujourd’hui.
Parce qu’il est arrivé d’une autre planète, parce qu’il a trouvé refuge sur le sol américain, Superman est de toute évidence le personnage le plus proche de ces problèmes sociaux. Immigré et victime de ce racisme biologique, il est cet homme que nous pensons protégés de tout, mais touché profondément par ce mal social qui nous ronge.
Superman 2020 : aventures du Superman du futur
Superman 2020 porte désormais le symbole familial et perpétue la tradition familiale en devenant le super-héros de la Terre. En tant que récits secondaires il était publié en complément de manières irrégulières dans les comics Superman. Ces aventures variaient les licences. On trouvait une aventure explorant les contrées et mœurs de Krypton, une aventure de Perry White ou la vie privée de Clark Kent. Après la création de Superman 2020, l’équipe créative se trouve complètement changée. Le scénario est laissé à Bob Rozakis et la partie graphique à Deny Cowans, puis à Alex Saviuk.
Cette équipe va s’occuper des futures histoires de Superman 2020. Il en existe trois : Superman #357, #361 et #364. Dans la première, Kalel fait face à un voleur d’une pièce rare datant de 1988. Alors qu’il intervient il réalise que ses pouvoirs sont si grands qu’il en perturbe les générateurs rendant possible la vie sur ce satellite. On y découvre sa double identité. Il avait rejeté lors de ses origines celle de Kalel et a prétendu sa mort pour en adopter plusieurs. Il revient ici sous le nom de Jon Hudson. Il occupe le poste de responsable du trafic à l’aide d’un ordinateur gigantesque qu’il peut mettre sur « pilote automatique » lorsqu’il doit agir en tant que Superman. Il flirt avec sa supérieure, Melodee Sellers. Loin du caractère et des valeurs d’une Lois Lane, Melodee est une potiche, souvent peu vêtue, approchant Jon le plus souvent pour l’inviter à sortir.
La seconde voit Superman arrêter une prise d’otage alors que ces terroristes tentaient de dénoncer la corruption sévissant à Metropolis. Malheureusement, le contexte n’est pas plus développé, contrairement à l’utilisation des pouvoirs de Superman. Fort d’une technologie avancée, ces antagonistes sont armés de pistolets lasers. Kalel parvient à modifier la structure du laser et à le transformer en lumière inoffensive grâce à son vision thermique. Parce que Superman, c’est aussi mettre au défi la science.
La troisième explicite la situation des Supermen vieillissants. Lex Luthor aurait tenté de transformer le soleil en soleil rouge, mais Superman est parvenu à s’en approcher pour lui apporter l’énergie nécessaire et sauver la Terre. Seulement, conséquence de cet acte héroïque, Lex Luthor est parvenu à faire vieillir Superman. Ce problème touche désormais les trois générations réunies mais Superman-I va faire preuve d’un héroïsme intact et sauver la situation. Sans doute la seule aventure à comporter des conséquences sur cet univers, et qui nous rappelle que peu de choses distinguent les différents Supermen exception faite de leur âge. Superman-I possède un passé bien plus riche, dont Rozakis a su tirer ici profit. Mais outre les maigres développements de Kalel, nous ne connaissons peu ou pas Superman-II et III.
Ces aventures de Superman 2020 rappellent grandement ce que fera Marvel dix ans plus tard avec 2099. Mais, plus familial et en proposant des concepts variants qu’il s’agisse d’une vision futuriste, d’une utilisation inédite de l’identité secrète avec Kalel capable d’endosser le rôle de plusieurs doubles-personnalités comme Jon ou celle d’un célèbre tennisman. Malgré quelques éléments convenus comme Melodee Sellers, ces trois récits parviennent à trouver de nombreuses variations, et ne souffrent au final que d’une Metropolis future dont on ne connait finalement que peu de choses. Mais Superman 2020 ne disparait pas tout de suite. Avant cela, Bob Rozakis a la bonne idée de développer plus encore le concept de continuité et de faire évoluer ce petit univers dans le temps.
Et Superman 2020 devient… Superman 2021
Avec Superman #368, Rozakis fait évoluer Superman à travers le passage à une nouvelle année. On y découvre un Clark Kent présentateur télé annonçant la descente traditionnelle de New Metropolis symbolisant le décompte avant 2021. Mais lorsque la ville touche le sol, la ville est fantôme, jonchée de corps au sol. Kalel feint d’être inconscient et apprend qu’il s’agit d’une action des Puristes, ces terroristes opposés à une mixité entre les kryptoniens et les humains. Il y est question d’une attaque biologique, et évidemment, Superman sauvera la situation.
Le groupe a beau être le même que celui présenté par Cary Bates et Curt Swan, il fait ici état de terroristes aux motivations définies mais trop peu exploitées. Les antagonistes ont propagé une bactérie afin de mettre en danger New Metropolis et rejeter la faute sur Superman. Seulement, cette bactérie aurait muté et serait rentrée en contact avec une autre. Le groupe est alors dépassé, comme par tout ce qui entoure ces conservateurs prisonniers de ce futur qui leur déplait.
Outre ce dépassement, ce numéro a surtout un intérêt pour l’idée de continuité. L’évolution d’une année sur l’autre est effectivement minime et ne répond à aucun critère. En quelques épisodes, Superman 2020, nom auquel il répond lorsqu’il apparait sur la couverture du comic-book, n’a plus vraiment lieu d’être. L’année où se situe l’action est une information permettant d’identifier le personnage. Modifier l’année consiste à le faire évoluer. Une évolution en accord avec le temps réel. Superman #368 est publié en Février 1982 et marque un passage à une nouvelle année. Et cette année sera malheureusement la seule franchie par ce Superman oublié.
La dernière aventure de cette version est présentée sous le titre Superman 2021 dans Superman #372. Il a fallu attendre ce dernier numéro pour enfin découvrir une brève présentation de ce qu’est New Metropolis et son fonctionnement. Étrangement, l’artiste Alex Saviuk laisse place au grand Gil Kane. Sans aucun impact, cette dernière aventure présente Jimmy Olsen à la tête du Daily Planet, un homme fort d’une éthique journalistique grandement inspirée par Perry White. Menacé pour diffuser de fausses informations, Jimmy préfère perdre la vie, mais lorsqu’il apprend que ses petits-enfants sont en danger, il émet un signal pour avertir Superman du danger.
Après cette aventure, Superman 2020 disparait. Il est né dans les pages de Superman, alors que l’éditeur Julius Schwartz et E. Nelson Bridwell ont tenté de sauver les aventures des personnages secondaires de Superman. Les titres de Lois Lane ou Jimmy Olsen ont du être supprimés. Les aventures de Supergirl ont été déplacés dans le titre Superman Family où se sont retrouvés d’autres versions de Superman, comme Superboy ou Super-Baby. Tout ceci, afin de laisser plus de place à Superman dans sa propre revue. Laissant alors le champ libre pour une aventure secondaire et de nouveaux concepts.
Si Superman 2020 n’a pas pu être sauvé, c’est que ces aventures sont restées secondaires. Et lorsque le titre Superman a stoppé la publication d’une deuxième histoire pour accompagner la principale, Superman Family n’avait plus de place pour accueillir cette version futuriste de l’homme d’acier. Cette série recueillant diverses aventures plus ou moins courtes a, de toute manière, été annulée en 1982.