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Un enfant se présente à travers sa passion pour les comics. On le réduit à l’idée générale et au rapport enfantin entretenu avec la figure super-héroïque. Malgré cette pression sociale, il reste passionné et défendra toujours la bande-dessinée. Elle devient son refuge. Il y développe autour de ses auteurs une admiration, au même titre que ces personnages qui l’ont émerveillé. Tout ceci donne naissance à un rêve : celui de devenir, lui aussi, auteur de bande-dessinée. Et le chemin vers la reconnaissance sera long. Très long. Car la passion ne fait pas tout. Tel est le chemin parcouru par Adrian Tomine. Telle est La Solitude Du Marathonien De La Bande Dessinée.

L’émotion de nos souvenirs, la mélancolie de nos anecdotes

adrian tomine

Qui est ce type tout seul avec son carnet ? Ce bonhomme à la bonne bouille, lunettes au bout du nez, recroquevillé sur lui même. Timide et pourtant rêvant de célébrité, de reconnaissance, au même titres que ses idoles, il veut gravir le panthéon en élevant également le rôle du comic-book. Ce bonhomme n’est autre que l’auteur de ce « graphic novel » à portée autobiographique : Adrian Tomine. Une œuvre qui sonne comme un dernier soupir, celui provoqué par la peur de mourir. La détresse le pousse à révéler tout ce qu’il retient depuis toujours. Ces non-dit qui pèsent. Ces souvenirs qui nous hantent. Ces hontes, et ces petites joies.

Adrian Tomine explose. Il nous jette ces anecdotes organisées dans un ordre chronologique à travers lesquelles on retrace la vie de cet auteur en marge. En effet, s’il est un second couteau aux yeux de la profession, ces anecdotes apportent un nouveau regard sur ces expériences passées, un manque cruel de confiance gagné avec ce fameux temps. Mais qu’est-ce que ce temps ? Le temps ne fait pas tout. La Solitude Du Marathonien De La Bande Dessinée (The Loneliness of the Long-distance Cartoonist) prend la forme de nos rencontres, de nos créations, de nos émotions. Les cicatrices d’hier peuvent se transformer en handicap, alors qu’un soutien peut être la motivation d’une vie. Des évidences qui pourraient pourtant être aussi bien considérées comme des besoins humains. Des besoins émotionnels. Celui d’être entendu ou d’être respecté.

En nous présentant des souvenirs très espacés les uns des autres, on picore cette mémoire. L’ordre chronologique des souvenirs permet un suivi organisé et une progression de la carrière de Adrian Tomine. Mais on y perd la confusion des souvenirs. Cette œuvre rejette l’écriture désorganisée de la mémoire d’un Marcel Proust. Et ce, parce que les souvenirs racontés n’ont pas toujours de thème commun. Certains sont présents pour l’anecdote amusante. Alors que d’autres le sont par nécessité narrative, pour comprendre le rôle de Tomine dans le milieu du comic-book. Un point crucial dans l’immersion de ce monde réel dépeint, nous rappelant que l’expérience personnelle, celle de la vie, impacte toujours notre vie professionnelle.

Remise en question du comics et du graphic novel

marathonien bande dessinee

Le comic-book est pourtant le sujet principal. Mais Tomine ne prend pas véritablement de recul sur son sujet. Il s’agit du comic-book autobiographique par Adrian Tomine. Et pour cause, on se fond dans sa perspective du monde et du comic-book. On tourne autour de ce nombril, ce point de vue du comics qui semble longtemps stagner. Et très certainement l’une des causes de son manque de reconnaissance.

Et pourtant, il parvient ici à renverser le roman graphique. Il marque cette appellation jugée élitiste, avec un format très singulier. L’édition soutient le rapport très personnel de l’œuvre publiée sous la forme d’un carnet aux éditions Cornélius. L’édition américaine (publiée par Faber and Faber) appuie encore plus cet aspect avec une couverture sous forme de sticker collé de travers, alors que l’objet est retenu par un élastique.

De même, les pages sont couvertes de petits carreaux sur lesquels sont dessinées les cases. Un travail éditorial abouti qui définit d’une certaine manière, le graphic novel comme outil d’expression. Mais plus encore, la forme du carnet brise cette distance et cet élitisme du graphic novel. Avec ce carnet, Tomine présente une œuvre accessible à tous, une œuvre de proximité. Nous tenons, en réalité, entre nos mains, la conclusion de l’histoire racontée. Le résultat du cheminement d’une vie, motivée par des réflexions plus ou moins conscientes envers le comic-book.

La Solitude du Marathonien de la Bande Dessinée : leçon(s) de vie ?

La Solitude Du Marathonien De La Bande Dessinée est de toute évidence une œuvre touchante. On ne peut rester insensible à ce personnage pataud et passif qui subit sa vie. Plusieurs éléments vont révéler l’évolution de son caractère jusqu’à une expérience culminante dans la conception de cette œuvre.

Malgré une conclusion touchante, l’absence de réelle histoire fait qu’on ne peut que se raccrocher à notre « personnage » principal comme guide de cette visite. Et dans un rapport individuel brillamment écrit, cet individu en passionnera certains, tout comme il en agacera d’autres. Car sur plus d’une centaine de pages, il vous faudra rester en compagnie de cet ami bien souvent désespéré de par sa condition. Plus qu’une solitude, c’est un véritable désespoir d’un chemin beaucoup trop long à parcourir.

Ce caractère en fait un personnage de toute évidence crédible et participe à cette vraisemblance malgré une approche cartoon, lorgnant du côté de la caricature minimaliste. Un contraste maîtrisé venu contrecarrer les remarques subies par l’auteur.

Au même titre que son héros, La Solitude Du Marathonien De La Bande Dessinée est une oeuvre qui ne laissera personne indifférent. Adrian Tomine parvient alors à dépeindre l’industrie du comic-book de manière marginale, très personnelle et honnête. Et de ce fait, il parvient à laisser son empreinte dans cette nouvelle décennie avec une œuvre indépendante marquante.

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