Brightburn, c’est ce petit film qui a eu une chance dingue : celle d’être produit par James Gunn (Guardians of the Galaxy, Super) dont le seul nom en a fait la promo. Et ce nom on le trouve partout, à la production (James Gunn), et à l’écriture, dirigée par Brian Gunn (son frère) et Mark Gunn (son cousin). Une affaire de famille qui en dit long sur deux passions de cette génération : les super-héros et l’horreur.
Et pourtant, dès qu’on parle de Brightburn on parle de Superman. Origines similaires, mais orientation différente, Brandon Breyer n’est rien de plus qu’un jeune Clark Kent qui a mal tourné. Brightburn semble profiter de ce qui apparaît comme une idée nouvelle, qui est celle d’un Superman sans valeur ni morale. La relation établie est plus qu’évidente. Un vaisseau spatiale s’écrase près d’un champ, et contient un enfant, recueillit par un couple d’américains. Il développe des pouvoirs – eux mêmes évoquant Superman. L’idée d’un Superman meurtrier est bien neuve – exception faite de son double : Ultraman. Mais le passage de l’enfant au meurtrier en série évoque quelques faits chez l’homme d’acier.
Superman : méchanceté naturelle
Wikipédia vous dira que Superman a été créé en 1938, par Jerry Siegel et Joe Schuster. Du moins, le Superman que vous connaissez. Car en 1932, Herbert S. Fine venait d’employer le terme de Super-man. L’idée du surhomme n’est pas neuve non plus. Joseph Campbell associe toute figure du héros aux récits mythiques des origines persuadé que seule la forme a évolué (cf. Le Héros aux mille visages). Il est ici question d’un roman graphique de science-fiction : The Reign of the Super-Man.
A partir des années 30 émergent des récits de science-fiction. Sans être à proprement parler des dystopies, elles apportent un regard pessimiste sur le monde, et sur l’homme. Cette histoire est très révélatrice des créations futures du duo. Un scientifique fou entretient un homme qui lui sert de cobaye. Il acquiert à force d’ingurgiter diverses potions, des pouvoirs, qui font de lui un surhomme. Avec ces pouvoirs, il développe un caractère mégalo, et bouleverse le rapport de domination entre lui et le scientifique.
Superman était à l’origine un être surpuissant, et dont les pouvoirs révélaient un être mauvais de nature. Devenu le total opposé pour offrir un personnage radieux et engagé, Superman a développé d’autres caractéristiques et des valeurs. Néanmoins, un attrait pour l’idée d’un Superman mauvais a toujours intrigué. Dès les années 50, on croise un Superboy (Superman dans ses jeunes années) braqueur, entre autres créations étranges, mais reposant sur ce concept d’un Superman inversé.
Elseworlds : même pouvoirs, autre camp
Un Superman se transformant en l’exact opposé de ce qu’il représente a déjà fait l’objet de nombreuses histoires. On ne compte plus les prétextes forçant Superman à mal agir (Eclipso, Brainiac, Doomsday, Gog). Rapport au pouvoir ou à la lecture politique, les comics regorgent de quelques perles traitant de ce Superman dénaturé.
Avec le principe du Elseworld (une terre parallèle), Superman a pu faire l’objet de nombreuses réécritures. Superman : The Dark Side présente un Superman devenu esclave de Darkseid, et l’un de ses plus grands atouts contre New Genesis. Cette version alternative reste connue en particulier grâce à son adaptation rapide dans les épisodes finaux de la série animée Superman : Le Fils Prodigue 1 & 2.
D’une certaine manière, on peut y inclure Superman : Red Son de Mark Millar et Dave Johnson. Superman n’atterrit pas dans un champ au Kansas, mais en URSS. Il devient le camarade modèle, défenseur du modèle communiste. Cela ne fait pas de Superman l’exact opposé, puisqu’il conserve un souci de bien faire et de bien agir. Mais la représentation politique se retrouve bouleversée.
La véritable incarnation d’un Superman se retournant contre le peuple est Injustice. Comics dérivé du jeu vidéo du même nom, le scénariste Tom Taylor profite d’un concept simple, mais passionnant – qui ressemble pour beaucoup à celui de The Kingdom Come. Le Joker tue Lois Lane. Superman, fou de rage, la venge et tue pour la première fois. Le meurtre, et la mort de Lois font l’effet d’une révélation. Le monde est bien trop tolérant avec les criminels. Le monde a besoin de plus de protection. Superman doit régner sur la Terre.
Brightburn meets Superboy Prime
Brightburn s’intègre comme un jeune Superman évoluant à l’opposé du jeune Clark Kent. Une éducation avec ses failles, au sein d’une famille moderne, moins à cheval sur les bonnes valeurs des Kent. La version la plus proche de Superman apparaît être Superboy-Prime. Car, malgré ses crimes, le jeune Brandon reste proche de ses parents, et continue de tenir à eux.
L’histoire de Superboy-Prime prend un virage similaire à travers les deux grands événements de l’univers DC : Crisis on Infinite Earths et Infinite Crisis. Dans le premier, on découvre une terre parallèle appelée Earth-Prime. Une planète comme la notre, où les super-héros n’existent pas hors des comics. Malgré tout, un jeune Superman finit par s’y retrouver. Encore jeune, ce Superboy voit sa Terre détruite. Il finit par vivre en exilé et disparaître, jusqu’à ce qu’il brise, de colère et de tristesse, le mur de la réalité, modifiant toute l’histoire de l’univers, et créant de nouvelles terres parallèles.
Sorte de Brightburn un peu tardif, Superboy-Prime bascule complètement par désire de vengeance et poussé par sa jalousie envers le Superboy moderne (Connor Kent). Il développe ensuite une obsession pour le pouvoir et un certain goût pour la domination. Motivations différentes, mais caractère similaire. Il prend alors goût aux affrontements, comme dans Green Lantern Corps #18 où Sodam Yat, le plus puissant Green Lantern de cette période et détenteur de l’entité Ion, a du s’opposer seul à Superboy-Prime. Il devient ensuite Superman-Prime, poursuivant son évolution en tant qu’ennemi redoutable du multivers. Depuis le relaunch de 2011, le personnage se fait très rare.
« Take the World » : Brightburn, une vision extrême de Superman
Brightburn n’est-il pas un Superman moderne ? Ce Superman qui grandirait non pas à l’écart de la civilisation, mais qui serait touché par ce désir d’avoir toujours plus, et qui évoluerait avec ce sentiment de supériorité. Ne serait-il pas simplement un témoignage d’une éducation aux valeurs bancales, et des influences actuelles de notre société sur les jeunes ?
Bien plus qu’une simple réécriture de Superman, Brightburn a le mérite de soulever différentes questions ayant motivé cette réécriture. Simple volonté de réinventer le genre du super-héros au cinéma, ou interrogations réelles, Brightburn ne marquera ni l’histoire de Superman, ni celle du cinéma, mais nourrit une réflexion intéressante autour de son personnage principal.
Conseils lecture :
- Superman : The Dark Side
- JLA : Terre-2
- Superman Red Son
- Infinite Crisis
- Sinestro Corps War
- Incorruptible (Irredeemable)
- Injustice