Cette semaine, j’avais envie d’écrire et revenir à l’essence même du comics : la lecture. On ne s’en rend pas véritablement compte, mais les comics impactent énormément notre comportement et notre développement personnel. Peu importe vos goûts en matière de comics, on est tous dans le même bateau.
Pourquoi lire ?
La fameuse question de l’utilité de la lecture à laquelle personne ne trouve vraiment de réponse solide. En réalité, il existe des réponses, mais on la trouve chacun avec notre réflexion, construite à partir de nos lectures. A la question « Pourquoi les comics ?« , la réponse se trouve dans la création même du comic-book.
Comme toute chose, les comics ont un créateur : le Major Maclolm Wheeler-Nicholson (sur lequel j’ai écrit un dossier complet). Cet homme était passionné de culture qu’on appellerait aujourd’hui « classique« . Il écoutait et faisait écouter à ses enfants des airs d’opéra. Pour lui, l’éducation passait par la culture. Une fois ses armes faites, et quelques problèmes avec les services de l’armée américaine dont il était également l’un des héros, il décide de se ranger et trouve une issue en créant sa maison d’édition et un produit inédit : le comic-book.
Il fonde National Comics Publications en automne 1934, qui deviendra par la suite DC Comics. Son concept, réunir les pages de bande-dessinées publiées dans des journaux, pour vendre aux enfants ce qu’il aiment le plus dans le journal des adultes. Il propose aux enfants d’avoir leur propre lecture. Bien avant la création de Superman, les comics se nourrissaient des histoires les plus passionnantes : la littérature.
Ainsi, l’ancêtre de DC Comics publiait des adaptations en comics des Trois Mousquetaires, du Comte de Monte-Cristo, des Misérables. Le Major avait un esprit particulier. Lui-même auteur de pulps, inspirés de ses aventures en tant que militaire, il voulait offrir un accès à la culture à tous les enfants, même les plus démunis. Il est le créateur d’une littérature populaire, et d’une culture populaire, en optant pour des revues conçues avec un papier de mauvaise qualité, où seul le contenu avait de l’importance. Il a rendu accessible une culture que certains enfants pouvaient juger inintéressante pour bien des raisons.
Dans sa nature propre, le comic-book est porteur d’une valeur sociale et culturelle, établissant la connexion (ou la transition) entre la culture savante et la culture populaire. La fonction première du comic-book est d’être lu, mais surtout de faire lire, d’être le lieu de toutes les connexions possibles avec les autres éléments culturels. Et aujourd’hui, les exemples ne manquent pas.
Pour quelle fonction éducative ?
C’est bien beau de dire que les comics portent une influence littéraire, mais est-ce toujours le cas ? En ce qui concerne la célèbre remarque « la bande-dessinée, ce n’est pas vraiment de la lecture » je vous renvoie au dossier dédié au roman graphique traitant de ces œuvres qui sont imprégnées de la théorie littéraire à laquelle répond toute création littéraire.
Parce que les comics répondent à des éléments différents, ils possèdent des objectifs différents. Les comics ne s’adressent plus seulement aux enfants. Ils adoptent des lectures différentes. Les comics sont des objets de littérature. Et au même titre qu’une oeuvre cinématographique, la valeur du comics dépend du comics vers lequel vous vous dirigez.
Pour ces raisons, Maus de Art Spiegelman est un comics étudié, compris dans le programme d’enseignement en France. Il n’est pas simplement question d’une oeuvre, mais bien d’une oeuvre connue du public français. Qui oserait parler du reflet des tensions géopolitiques à travers Secret Empire mettant en avant un Captain America qui trahit son pays ? Qui oserait parler des conséquences du 11 Septembre avec les couvertures refusées de Art Spiegelman pour The New Yorker ? Ou parler de l’éthique journalistique à travers DMZ ?
Les comics peuvent être des prolongements divertissant d’éléments appris à l’école. Ils peuvent également être la découverte d’un savoir. Parce que la bande-dessinée américaine, française ou japonaise, peu importe, la bande dessinée est un reflet du réel au même titre que tout autre objet littéraire. Et ce reflet ne peut être qu’une influence bonne pour chacun d’entre nous et la découverte de l’autre.
Confrontation et transmission de valeurs
Sur un plan purement subjectif, chaque lecteur de comics trouve satisfaction dans une reconnaissance de ses valeurs à travers un héros. En cela, Superman représentait l’idéal américain, avec les couleurs du drapeau, pour prendre, aujourd’hui l’idée d’un symbole d’espoir. Quel espoir ? Rien de bien défini. Mais force est de constater qu’une majorité a bien reçu cette représentation, et a besoin d’un symbole d’espoir modulable.
En cela, les super-héros trouvent une fonction actualisante. L’aura iconique du héros est renouvelée avec des messages et des valeurs positives. La justice est de loin la plus utilisée, et profite de bien des variations, dont la confrontation entre Daredevil et le Punisher repose sur les métaphores de la justice légale et celle d’une justice létale. Malgré leurs nombreuses années d’existence, ces deux personnages continuent de s’opposer plus ou moins régulièrement, parce que leurs métaphores sont de toute évidence opposées.
L’aspect patriotique de Superman a quasiment disparu, remplacé par la patriotisme primaire de Captain America avant que ce dernier ne remette en question les valeurs américaines et son gouvernement lors du run de Mark Gruenwald (Captain America #332, 1987). Lorsqu’un personnage se retourne contre ce qu’il représente, il ne ressort évolué et grandit. Les scénaristes approfondissent la pensée du héros, ses motivations à porter ces couleurs. Ce n’est que lors de sa mort que Blue Beetle (Ted Kod) donne à son symbole le sens du sacrifice, à la fois dans l’introduction d’Infinite Crisis, mais également dans Booster Gold #1-12 (2008-2009) où son ami tente de le sauver. Lorsque Ted comprend que sans son sacrifice, la Terre est perdue, il décide de ne pas être sauvé et de mourir en héros, alors qu’il a vécu avec la reconnaissance d’un héros de seconde zone.
C’est sans doute dans cette étude des valeurs que les comics parviennent à captiver. L’étude du héros, sa redéfinition constante, incite à la lecture régulière. Quittez le monde des comics pendant deux ou trois ans, et vous retrouverez des personnages complètement changés. Au delà des changements de costume, des scénaristes se seront attaqués à une lecture thématique d’un personnage (Mister Miracle par Tom King et Mitch Gerards), associé une nouvelle valeur ou une nouvelle situation (Superman par Peter Tomasi et Patrick Gleason) lorsqu’il ne s’agit pas simplement de redéfinir tout son univers (Immortal Hulk de Al Ewing et Joe Bennett, Thor de Jason Aaron et Valerio Schiti).
Fort de cette lecture métaphorique et de cette transmission de valeurs à travers l’identification d’un ou plusieurs héros, les scénaristes nous amènent à nous interroger. Pourquoi sommes-nous sensible à telle valeur ? Pourquoi tel héros nous plaît plus qu’un autre ? Chacun, nous définissons notre argumentaire pour mieux nous comprendre et/ou évaluer l’impact que peut avoir la lecture de comics sur notre personne.
En somme, les super-héros parviennent à nous connaître parce qu’ils reflètent ce qu’il y a de bon en ce monde. Qu’est-ce que Metropolis sinon une métropole lambda ? Si l’univers Marvel situe son univers autour de New-York, c’est pour refléter le monde du lecteur. Les comics sont une réflexion du monde capable de fournir au lecteur, non seulement un divertissement, mais également un recul critique sur cette oeuvre et les messages qu’elle comporte.