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Superman a arrêté Lex Luthor, sauvé la planète du vaisseau de Brainiac, l’univers des armées de Darkseid. Mais que peut-il faire face à l’emprunte carbone ? DC Comics demande alors au duo Roger Stern et Kerry Gammill d’écrire cette histoire complète. De ce projet peu commun naît Superman : For Earth.

Superman : le véritable Captain Planet

Les années 1989 et 1990 démontrent le manque de popularité de Superman. avant de trouver l’idée de le tuer, les éditeurs tentaient de créer l’événement. Et l’événement était de faire de Superman un personnage porteur d’un message d’intérêt général. Pour rompre avec le ridicule des comics prévus à cet effet, DC Comics va engager Roger Stern au scénario et Kerry Gammil (Fallen Angels, Iron Fist, Supergirl). Plus encore, l’éditeur va lui offrir un format spécial, mais en accord avec son propos. C’est à dire, publié à 50% avec du papier recyclé. Ce qui est suffisant pour pouvoir afficher un logo en quatrième de couverture « printed on recycled paper« .

L’histoire commence par une simple discussion de couple. Lois est au balcon, inquiète. Clark lui apporte un verre et remarque que quelque chose ne va pas. Lois pense à sauver cet environnement, sans savoir comment. Elle éveille chez Clark le début d’un long raisonnement. Soucieux de soulager les maux de sa belle, Clark lui promet d’agir pour la survie de la planète en tant que Superman. Si aucun homme ne peut la sauver, ce sera au surhomme de le faire. S’en suit une succession de découvertes par Superman, qui s’opposera à diverses pratiques douteuses concernant cette lutte pour l’écologie.

Plusieurs éléments peuvent poser problème, mais sont nécessaire à la narration de cette histoire écrite sous forme de voyage initiatique. Les personnages sont particulièrement naïfs, qu’il s’agisse de Lois ou de Superman. Lui qui donne l’impression de découvrir ce comportement humain néfaste à la planète.

La pollution, un ennemi de taille

Nous sommes en 1991. Si le réchauffement climatique et la pollution ne sont pas des sujets neufs, ils sont encore discrets dans une utilisation médiatique. Voir le thème abordé à travers une histoire de Superman apporte des valeurs non-négligeables.

Superman est un personnage imbattable par la force brut. Un Superman intéressant est un Superman se frottant à son défi premier : sauver la Terre d’elle-même. Il est affilié à l’espoir, à l’image du messie, mais possède une part humaine qui laisse penser à une marge d’erreur possible. Superman a beau être fort, il ne peut posséder un contrôle total sur le monde.

Qui plus est, à l’époque, Superman profitait d’une image patriotique perdue depuis. Il est la défense des Etats-Unis, une représentation de sa force militaire et de son idéalisme. Dans Superman : For Earth, il est forcé de remettre en question ce système établi. On trouve alors Superman aux prises avec des ouvriers irresponsables (et armés) transportant des déchets radioactifs, ainsi qu’en train d’essayer de trouver un compromis entre un membre du conseil et des manifestants en colère.

Ce récit est très édulcoré et est loin d’être la meilleure aventure de Superman. Mais sortie de la tête de Roger Stern, ce projet profite d’une forme originale. Superman embrasse l’image d’un civil engagé pour la paix et le bien commun. Et Roger Stern y situe certaines nuances agréables menant à une conclusion permettant de limiter l’allure moralisatrice du récit. Le scénariste pose plusieurs problématiques reposant sur la nécessité de l’engagement que les simples « réflexes » à avoir au quotidien. Au delà de l’action citoyenne, ce numéro aborde le sujet houleux de la domination américaine puritaine et moralisatrice, faisant de ce Superman : For Earth une véritable auto-critique.

Le comics engagé, celui qui divise ou qui recentre ?

Superman vogue d’un lieu à un autre, développant sa réflexion sur le comportement humain vis à vis de son environnement. Cette histoire mérite le détour pour nous ramener à cette question : Qu’est-ce que sauver la planète ? Laissons de côté l’éventuel aspect militant, et mettons-nous dans la peau de Superman. Cette histoire ne fait aucune référence aux ennemis de Superman. Le monde dans lequel il vit pourrait ressembler au notre, et les injustices, les comportements visés sont effectivement les reflets d’une réalité de 1991, et reste le reflet d’une réalité de 2020.

Sauver la planète consiste à placer l’homme face à sa situation. Superman tient un rôle de médiateur, rôle qu’il tenait lors de ses aventures du Golden Age. Aujourd’hui encore, cette conception d’un héros face à la crise silencieuse dans laquelle se trouve la planète est rarissime. Pour rester chez DC, seul Doctor Fate (2014) a eu cette présence d’esprit de façonner le titre de héros par les soins qu’il apporte à la planète. Ce qui donne au récit cette forte impression de voir notre super-héros lutter pour quelque chose de concret, qui touche à notre réalité, et non un énième monstre ayant atterri par hasard sur Terre.

Le véritable super-héros est celui qui rassemble, qui parvient à prendre suffisamment de recul pour peser le pour et le contre. La solution n’est pas de prendre une décision, car Superman tomberait dans une forme de radicalisme et se ferait souverain. Pour rassembler, Superman use d’une communication explicitant la « bonne morale » de cette aventure. Néanmoins, cette bonne morale n’est qu’une invitation et laisse le lecteur face à une situation réelle reflétée par un comics, certes, liée à une pensée écologiste, mais dont le lecteur est seul juge.

En somme, malgré son aspect moralisateur et le caractère naïf des personnages nécessaire au lancement de l’intrigue, Superman : For Earth est un récit fort de sa relation aux problèmes du monde réel. Le comics est un reflet du réel, un moyen de personnifier une idée ou un caractère et témoigne de son engagement sans sombrer dans la diabolisation facile. L’histoire représente des vérités, pour ne pas dire des tabous. Elle présente ce problème écologique comme un problème surpassant même le surhomme. Superman ne peut agir comme il lui semble, c’est alors à Clark Kent de lutter en tant que citoyen. Si même le héros le plus puissant n’y peut rien, c’est à l’homme d’agir.

Et pour plus de lecture sur le thème de l’écologie à travers les comics, je ne peux que vous guider vers le très bon site Planet Ecologeek.

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