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Les Killjoys ont disparu. Ne reste que cette jeune fille, Girl, sur qui pèse la culpabilité d’avoir fait disparaitre cette équipe légendaire. Cette même légende s’opposait à la corporation BL/Ind. Dans cet univers farfelu, empruntant pour beaucoup à Mad Max, pour ses terres désolées mais surtout pour ses costumes fantasques, Girl va réaliser un long voyage la confrontant à un destin qu’elle ne peut fuir.

Face à une introduction pareille, de nombreuses questions se posent. Qui sont les Killjoys ? Que faisait Girl dans un sac mortuaire ? Mais surtout, pourquoi tirent-il avec des pistolets fluos ? Face à ces étrangetés, des éléments de réponse se trouvent dans l’origine même du projet et son grand frère.

Killjoys : le comics comme opéra-rock

Souvent réduit au récit classique post-apo, Killjoys est avant tout un projet musical. Ses scénaristes, Gerard Way (Umbrella Academy, Doom Patrol) et Shaun Simon (Art Ops, Collapser), sont tous deux musiciens. Le premier est le chanteur du groupe My Chemical Romance. Le second est le claviériste du groupe Pencey Prep. Amis depuis un certain temps, ils réfléchissent ensemble à un univers autour d’un groupe appelé les Killjoys. Le projet traine et n’aboutit pas. Ils ont chacun leurs projets musicaux et liés aux comics pour Gerard Way.

my chemical romance

En 2010, Gerard Way contacte Shaun Simon pour le prévenir qu’il prépare un projet d’album… autour de l’univers de Killjoys. L’univers de Killjoys prend une toute autre forme que prévue et Shaun Simon était parti pour en être écarté. My Chemical Romance se lance alors dans l’élaboration de l’univers de Killjoys devenu très coloré et sous forme musicale. L’album alterne les musiques pop, rock, et bien plus doux lorgnant tantôt du côté du rock japonais, tantôt du côté de Depeche Mode. Cet album parvient tout de même à se forger une identité et un style unifiant toutes ces productions hétéroclites.

Gerard Way pousse l’idée jusqu’à son paroxysme en livrant deux clips tirés de l’album Danger Days : The True Lives of the Fabulous Killjoys ! L’album se veut être une sorte de préquel au comics. Il introduit toute la folie animant les Killjoys jusqu’à leur chute face à un antagoniste de renom : le scénariste connu de tout lecteur de comics, Grant Morrison. Appelé Kors, le personnage emprunte les traits de l’auteur légendaire apparaissant également dans le clip Sing.

killjoys morrison

Très vite, le projet de comics refait surface. Shaun Simon réintègre le projet en tant que co-scénariste aux côtés de Gerard Way. Les compères sont ensuite rejoints par Becky Cloonan, une artiste accomplie et connue pour American Virgin ou Demo. De cette collaboration naîtra un produit inédit. Un comics dépendant d’un projet musical dressant les fondations d’un univers étrange.

Rébellion colorée

Le comics Killjoys n’est pas des plus abordables, et ce pour plusieurs raisons. Le lecteur ne possède pas toutes les clés. Si l’écoute de l’album de My Chemical Romance n’est pas obligatoire pour comprendre le récit, la folie de l’univers peut très facilement rebuter.

killjoys delcourt

On pourrait se dire qu’effectivement, Killjoys perd de sa matière. Mais la production musicale ne fait qu’introduire cet univers. Et avec brio. Car le cœur du récit est un terrain d’entrainement au futur scénariste de la Doom Patrol. Il développe là une équipe de personnages perdus, sans convictions ressemblant pour beaucoup à l’équipe de DC Comics. Ce sont sur ces ratés que repose l’unique espoir d’un avenir meilleur. Le seul moyen de renverser cette corporation et le contrôle qu’elle exerce sur le monde.

On pourrait y voir un scénario ultra-conventionnel de la vilaine corporation. Et effectivement, cette société est assez peu développée, limitée à l’idée d’une entreprise profitant d’une lourde influence et visant un idéal très pragmatique, ne laissant plus de place au rêve ni à la pensée individuelle.

Et pour ça, Killjoys développe cette écriture méta si chère à Gerard Way. BL/ind symbolise l’aveuglement avec lequel ses employés travaillent, produisent, de manière incessante. En accord avec cette notion, on retrouve ces ennemis aux visages identiques, rappelant le titre Destroyer présent dans l’album de My Chemical Romance. Couverts d’un masque sans aucune expression, il est facile de comprendre que la lutte menée à travers ce voyage consiste à lutter contre un conformisme envahissant.

killjoys gerard way becky cloonan

Alors que les Killjoys se veulent être les rebelles d’un système réduit à son fonctionnement le plus primaire. Ces tueurs d’une joie, d’un idéal réduisant nombre de libertés.

Car cette histoire prend le pari de réduire chaque élément à sa définition la plus primaire. Laissant un espace de liberté déstabilisant. Killjoys a tout du récit punk, révolté, et bas du front. Et pour autant, il se révèle bien plus intelligent, plus éparse. Les scénaristes, développent leur dystopie, explorent certains destins avec d’autres personnages ajoutés sans que cela ne fasse véritablement sens. Sans que ces êtres ne se retrouvent impactés par notre équipe de dégénérés.

Killjoys met en avant ses métaphores avant ses personnages. Et il est assez difficile d’espérer une quelconque identification dans cet univers où seule Girl est pleinement développée. Recueil de destins au sein d’un même univers, ou écriture hasardeuse, Killjoys n’est donc pas dénué de défauts et se veut récit et exploration d’un univers musical. Un univers post-apocalyptique aux influences concrètes, Mad Max à la première place puisque la saga apporte tout ce décor désertique peuplé de baroudeurs excentriques.

Gerard Way et Shaun Simon apportent ce côté coloré et ce message. Ils s’approprient ces lieux communs de la culture populaire de manière très innocente. Et c’est avec cette approche que vous serez en mesure d’apprécier Killjoys. Pas de chef d’œuvre, pas d’expérimentation du 9ème art, mais un univers fantasque indépendant et personnel reflétant ce petit paradis de rébellion adolescente. Un exutoire aux mille couleurs.

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