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Grande annonce la semaine dernière : Dan Didio quitte son post de responsable vice-président de DC Comics. Un siège qu’il partageait avec Jim Lee. Alors qu’il confirmait une position stable et confortable pour DC Comics en ce début d’année, cette nouvelle laisse penser qu’il se trame bien plus dans les locaux de DC Comics. Car si Dan Didio a bien été viré sans préavis, il s’agit néanmoins d’une décision prise par ses supérieurs, Time Warner et AT&T, concernant sa gestion des comics DC.

New 52 : Le bilan désastreux

Le départ de Dan Didio sonne comme un libération. Là où Paul Levitz prônait le divertissement et la créativité, Dan Didio fonctionnait de manière peu humaine. S’intègrent ici les divers reproches de certains artistes, qu’il s’agisse du manque de soutien ou d’un premier contact douteux. Dan Didio voyait l’éditeur comme une entreprise. Et en cela, son ère commençait avec de très bons résultats.

En 2010, les New 52 présentent un catalogue immense de 52 titres. Ce chiffre symbolique pour l’univers DC propose un vaste choix au lecteur. Les ventes ont explosé. Evidemment. Dan Didio célébrait avec Jim Lee leur réussite. L’éditeur se sent pousser des ailes, avant de rapidement tomber de haut. Si les premiers numéros de chaque série se sont très bien vendus, la suite a été révélatrice de leur qualité. Le catalogue s’est restreint, la direction a paniqué. Au premier événement prévu s’est greffé un autre, puis un autre, avec une nouvelle vision générale de l’univers, et encore.

La mort du demi-dieu joyeux

Dans ce souci de réel et de sérieux, Dan Didio a étouffé tout l’esprit jovial et merveilleux de l’univers qu’il tenait entre ses mains. A vouloir attirer un nouveau lectorat moderne sans transition, l’éditeur s’est mis à dos nombre de lecteurs réguliers. Et laisser cet univers dans un statut d’expérimentation constante a fait décrocher nombre de lecteurs restés dans l’attente d’une direction solide de l’univers. A s’attaquer aux sidekicks, le vice-président n’a fait que s’attirer les foudres des lecteurs.

Il a eu ce défaut de croire en la continuité, en l’évolution temporelle réaliste dans cet univers fictif. Son attachement à l’évolution faisait fi de toutes les attentes du lectorat, expliquant la mauvaise réputation qu’il a su entretenir auprès des fans de comics. Ainsi, Tim Drake était devenu Red Robin, Nightwing devenait Grayson, et étrangement, Oracle reprenait le nom de Batgirl, avant de… rajeunir. Cette évolution paradoxale de Batgirl représente aisément toute la contradiction des différentes périodes que comprennent ces dix dernières années.

Un paradoxe d’autant plus étrange que le cas Wally West reste encore aujourd’hui une lourde trahison. Après avoir repris le nom de Flash, Wally s’est marié, a eu deux enfants. Jeune papa d’un fils et d’une fille, sa progéniture révèle des pouvoirs différents. L’esprit joyeux du speedster se transforme en esprit familial inculqué en toute logique au quotidien super-héroïque de Flash. Avec les New 52, tout disparaît, alors que Wally était le sidekick par excellence capable de grandir.

Vertigo : Label parti trop tôt ?

S’ajoute à son palmarès la mort de la dissidence. Vertigo, recueil des plus grands talents anglo-saxons a péri en 2019. Il faut dire que tout a été fait pour nuire à ce label. Une pression interne qui a poussé Karen Berger à quitter son poste de directrice éditoriale. Un tout qui soulève une question : Vertigo n’était-il pas déjà mort ?

Dans ces dernières années, Vertigo profitait de quelques titres. Des mini-séries indépendantes les unes des autres, quelques succès (Dark Night : A True Batman Story, American Vampire, American Way, Clean Room, …). Mais plus les années passaient, plus les titres publiés se faisaient rares. On venait déjà à parler d’une période Vertigo perdue.

Repenser à toutes les décisions et créations de Dan Didio donnent un certain recul sur l’affaire. Et ces dernières années, DC Comics a multiplié ses labels. L’éditeur veut catégoriser ses publications. Il souhaite donner à son lectorat les indications nécessaires pour connaître le public visé et la considération ou non dans la continuité. Avec les DC Zoom, DC Ink, DC Black Label, Young Animal ou le très récent Hill House, Dan Didio et Jim Lee n’auraient-il pas fait une erreur monumentale ?

Tout en comprenant bien les intentions que peuvent avoir DC Zoom ou DC Ink en développant le secteur jeunesse avec des produits d’une certaine qualité, le DC Black Label, Young Animal et Hill House regroupent les genres plus « adultes » qui étaient confiés à Vertigo auparavant. Et plus le temps passe, plus le manque se fait sentir.

La 5G : projet pharaonique pour une politique éditoriale anarchique

Le projet ambitieux de redéfinir la timeline de l’univers DC, également appelé 5G a fait couler beaucoup d’encre depuis l’été dernier. Cette construction amènerait à établir de nouveaux événements canons rétroactifs. Ainsi, Wonder Woman serait la première super-héroïne apparue. Puis se greffent Superman, Batman et la Justice Society. Cette construction, déjà douteuse laisserait entendre un Batman âgé de 80 ans aujourd’hui. Osé, ce projet rebondissait – avec une aisance surprenante – suite aux événements d’Heroes in Crisis et le four qu’a été sa révélation.

Entre les affaires du Black Label, la relative déception de Doomsday Clock, Heroes in Crisis, le licenciement de 5% des effectifs, ce sont les plaintes des éditeurs et leur départ pour divers concurrents qui fait sauter le siège de Dan Didio. La 5G est en réalité un motif général, la polémique en cours. Mais c’est toute une saga qui lui est reprochée par les nouveaux détenteurs de la Time Warner : AT&T.

DC VS Marvel deviendra AT&T VS Disney

Depuis les années 90, une entreprise de téléphonie régionale du nom de SBC dévore la concurrence. Elle s’accapare plusieurs entreprise pour en acquérir presque le monopole. Renforcée de ses acquisitions, elle prend le nom d’une de ces entreprises rachetées : AT&T. Aujourd’hui, AT&T est devenu l’un des plus grands fournisseurs d’accès à internet et de mobile aux Etats-Unis. Fort de son statut de onzième entreprise mondiale, elle prend, en 2019, possession de la Time Warner (Warner Bros, HBO, DC Comics, …).

Environ 6 mois plus tard, Dan Didio quitte son poste. Faut-il y voir une forme de premier aménagement de la nouvelle direction ? L’acquisition de DC Comics par AT&T n’avait rien de satisfaisant et rappelait les sombres heures de Marvel. Une entreprise aux commandes n’est pas foncièrement un mal. La gestion de Marvel par Disney est discutable, mais fonctionne. Sur les réseaux sociaux, l’heure semble être à la fête. Mais si nous attendions le départ de Dan Didio, reste à savoir qui le remplacera. Malgré son implication dans de très mauvaises décisions, il faut savoir que Jim Lee approuvait les décisions et participait à cette gestion douteuse.

On entre alors dans le domaine du « Et si ? ». Et si AT&T savait à quoi s’en tenir avec le marché du comics ? Là est tout le danger. AT&T est une entreprise gigantesque, mais relevant d’un seul domaine : la téléphonie. Il s’agit ici de studios de cinéma, de comics, des produits avec une valeur culturelle et sensible, là où la téléphonie possède une valeur sociale et économique. Le risque serait de replonger DC Comics dans une nouvelle période sombre, causée par une gestion purement commerciale du milieu de l’édition, comme a pu le subir Marvel il y a 30 ans.

On aimerait croire que personne ne vient nuancer ces propos, et pourtant, la réception de la nouvelle aux Etats-Unis est bien plus mitigée. Dan Didio est assez peu connu en France, et nombre de fans ne connaissent son impact sur le marché et l’accessibilité de cet univers. Car malgré tout ce qu’on peut lui reprocher, il est une personnalité d’importance pour la nouvelle génération de lecteurs ayant adhéré à cet esprit New 52. Un esprit aseptisé mais dont la simplicité a permis l’accessibilité à de nouveaux lecteurs. Et concernant ce siège vide et son rapport à AT&T, les lecteurs américains sont bien plus sceptiques concernant l’avenir de DC Comics.

Que sera, sera

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