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Appelé à l’origine en France « Petit format » , le kiosque a été le premier mode de publication du comics en France au même titre que le single aux Etats-Unis. Les comics sont présents chez les buralistes français depuis les années 50. Outre plusieurs déboires avec la censure et autres formes d’autorité craignant une influence politique à travers ces bande-dessinées, le comics a toujours fait front. Étranges Aventures, Strange, Marvel, Titans, Spider-man Extra, DC Universe, ou encore Star Wars Magazine, et aujourd’hui : Batman Bimestriel.

En effet, le comics a mué. Ou plus particulièrement, l’édition française. Panini Comics a modifié son offre, la réservant à la librairie et aux étales de l’enseigne Relay. Urban Comics, qui a toujours eu le format kiosque comme point faible, tente de satisfaire au mieux la demande étouffée par le marché fleurissant de la librairie. Ne reste alors plus que les collections Hachette « Les Meilleures récits de … » ou « … : les grandes sagas » sur les étales. Ces collections offrant un format librairie et une sélection (généralement bonne pour tout jeune lecteur) finissent aujourd’hui par concurrencer l’unique kiosque : Batman Bimestriel.

La fin du kiosque à déclarer ?

C’est là toute l’ironie de l’histoire. Urban Comics est entré sur le marché une fois que Delcourt – alors seul concurrent de Panini Comics – venait de supprimer son offre kiosque (Spawn et Star Wars). Urban Comics avait dès son entrée l’étiquette de l’éditeur qui se moquait du format kiosque, en concentrant son offre sur le format librairie en prenant à contre-pied la politique américaine. C’est à dire, vendre les épisodes, puis le format relié une fois l’arc terminé. C’était tuer le kiosque.

Or, si les ventes ont diminué, elles se répercutent autant chez Urban Comics que chez Panini Comics. Panini Comics a déjà l’année dernière condamné son offre kiosque avant de la déplacer : hausse des prix, le magazine devient un album, Marvel Heroes, le « magazine » à 15€.

Alors qu’on pourrait se plaindre de la politique originelle d’Urban Comics, preuve en est que l’éditeur est le dernier à faire front et proposer le dernier magazine.

Presstalis : le dévoreur de kiosques

Ces modifications ne seraient que des conséquences en réaction à leur distributeur commun. Distributeur le plus influent sur le marché du kiosque, Presstalis perçoit les revenus et distribue ceux destinés aux éditeurs. Un magazine vit essentiellement de l’abonnement. Il permet de passer par d’autres moyens de réception et ne nécessite pas une distribution, et donc un recours à un tiers.

En 2018, Presstalis annonce modifier sa politique, et prélever plus que d’ordinaire. Le distributeur est en déficit et prend les devants. Si aucun éditeur n’annonce réagir à cette modification, c’est suite à cette annonce que Panini Comics déménage toute son offre kiosque pour la proposer en librairie, en association avec Hachette.

Batman Bimestriel, un nouvel espoir ?

Alors que la mort du kiosque est annoncée, il faudrait peut-être parler d’une profonde hibernation, et ce pour deux raisons. Tout d’abord, Urban Comics maintient son offre, et rend disponible le format kiosque. Il le fait perdurer, et sous une forme intéressante. S’il se repose sur Batman, le personnage le plus populaire, l’éditeur y associe un récit complet inédit pour chaque numéro, justifiant amplement le prix du magazine. Il propose des récits sur lesquels l’éditeur ne se serait pas permis de miser pour une sortie librairie. Car voilà l’un des rôles du kiosque. Son aspect populaire et peu onéreux permet à l’éditeur de s’essayer à des choses, et laisse le lecteur aller à sa curiosité.

La seconde raison se résume à une annonce de Presstalis. Le distributeur prélève 2,25% du chiffre d’affaire de chaque éditeur depuis fin 2018, et ce jusqu’en juin 2022. Un pourcentage en hausse qui pose bien des problèmes. Car si le kiosque est presque une tradition pour certains, les comics ne rapportent pas suffisamment. Le comics chez le buraliste se destine à un public de niche, aux lecteurs les plus ardus.

Le kiosque traverse indéniablement une période sombre. Et Urban Comics a ce mérite de poursuivre l’effort de guerre malgré les mesures qui se dressent devant lui, avec Batman Bimestriel. La hausse du prix est justifié sur bien des points, et il est bien dommage de voir l’éditeur être contraint de résoudre son offre au personnage de Batman. Néanmoins, elle persiste. L’horizon n’est pas réellement optimiste. Rien ne nous dit que Presstalis ne s’effondrera pas, ou que la concurrence prendra le dessus, ou que le prélèvement augmente d’ici 2022. Dans l’état actuel, l’espoir est de mise.

L’ordre des choses

Cette mutation ne serait-elle pas le fruit de l’évolution du marché du comics en France ? La multiplication de publications librairies a évidemment fait du tort au kiosque. Et ce, pour la simple et bonne raison que le format librairie attire bien plus le public français. S’il est plus cher, le format librairie est plus noble. Le travail mené sur l’édition de ses ouvrages par Urban Comics a imposé le comics au grand public. Alors que les anciens lecteurs comme moi ont découvert le comics par le kiosque, les nouvelles générations sont attachées à une consommation en librairie.

Batman Bimestriel est peut-être le dernier magazine-comics à voir le jour avant bien des années. Et son sommaire témoigne de cette évolution : un contenu épisodique à suivre, et un récit complet, comme pour satisfaire toutes les attentes nouvelles du public, désireux de cette histoire complète, habitué à ce système de consommation. Disparition du kiosque et invasion du marché librairie, ne s’agit-il pas de la fin de la lecture épisodique ?

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